Marius Cultier – Ouelele…Souskai (Fiesta – 1975)

Attention, objet culte ! Voici en effet un album rarissime, d’un auteur malheureusement trop confidentiel, qui s’échange sur le net à plusieurs centaines d’euros…

Marius Cultier est assurément l’un des artistes antillais contemporains le plus innovant, défricheur et expérimentateur. Il a fait bouger les frontières musicales en introduisant la diversité du latin jazz dans la tradition créole.

Né à Fort-de-France en 1943, il part à 20 ans s’établir dans les Amériques. Au Canada d’abord, où il devient célèbre et accueille aussi bien des jeunes talents des Antilles et d’ailleurs, que les ténors du jazz et de la pop musique. Il y fonde avec son épouse un espace de production et sa maison d’édition. Il parcourt ensuite les USA et l’Europe pendant les années 70 et 80. Il est alors l’invité des grandes maisons d’édition et d’instruments de musique internationales. A l’occasion de manifestations musicales dans ces pays, il se produit et côtoie les grandes formations musicales internationales et les personnalités du jazz.

Parallèlement, à partir de 1983, Marius Cultier se consacre à l’écriture, à la composition, il reçoit chez lui en ateliers des musiciens du monde entier – variété, jazz ou classique – à l’exécution d’ œuvres et aussi à la découverte et à la rencontre de nouveaux talents locaux. Il crée des lieux de musique vivante, des ateliers de création et d’éducation musicale en Amérique du nord, dans les Caraïbes où il installe avec sa famille son espace de production et d’édition.

Après ses mémorables funérailles nationales, et des années d’hommages, de prix posthumes (récompenses, festivals internationaux, espaces, forums, chantiers musicaux, productions discographiques, textes critiques, rue dans son quartier à Fort de France, à Rivière salée en Martinique, etc,), un comité international dédié à Marius Cultier vient de se créer pour réhabiliter son œuvre, sa mémoire et celle de ses contemporains.

Deux titres pour découvrir la richesse de cet album culte :

MARIUS CULTIER – Missie Sirop : ça groove sec sur du Fender Rhodes velouté, ça break avec des cuivres punchy, ça swingue en créole comme sur un vieux Motown…Si les Caraïbes devaient être résumées en 4 minutes, ça donnerait sûrement cela…

MARIUS CULTIER – Ouelele : « ‘couté ça, ‘couté ça, ‘couté ça ! » Le titre d’ouverture de l’album, célébré par la fameuse compilation Ouelele du label Comet Records, est terriblement efficace et moderne. Un grand bonheur. Mention spéciale pour la partie groovy avec claquage de mains et orgue furieux à 2:10.

Joseph Koo & Wang Fu Ling – The Big Boss Soundtrack (RCA Victor – 1971)

Amateurs de bandes originales rares et déjantées, vous voilà comblés ! Cet album est la bande son du film de Bruce Lee The Big Boss, plus grosse recette cinématographique de tous les temps en 1971 à Hong Kong, devant La Mélodie du bonheur (1965) et Tora ! Tora ! Tora ! (1970). Big Boss est aussi célèbre pour avoir été le seul film de Bruce Lee à avoir été censuré dans son propre pays pour « usage de violence graphique » !

Bien que crédité dans toutes les versions comme compositeur du film, Wang Fu Ling n’a composé la musique que de la version madarine de The Big Boss. Peter Thomas a composé la musique de la version doublée en anglais tandis que Joseph Koo Chia Hui a composé une nouvelle bande originale et utilisé des morceaux non originaux (dont quelques uns de Don Peake issus de La Colline à des yeux) pour la version doublée en cantonais au début des années 80.

Malgré tout, Wang Fu Ling reste un producteur acharné de bandes originales pour les films hong-kongais, puisque sa fiche sur Internet Movie Database le crédite de 90 productions entre 1960 et 1977, soit près de 5 par an ! Par ailleurs, plusieurs versions de la BO existent : une version US avec la pochette en anglais et une version asiatique avec la pochette en mandarin.

Cette bande son a une originalité : elle alterne les compositions musicales et les dialogues du film, ce qui en fait un véritable trésor pour les sampleurs. D’ailleurs, les rappeurs west coast de Dilated Peoples ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont samplé le thème principal sur le titre « Work The Angles » (tiré de l’album Platform sorti en mai 2000).

JOSEPH KOO & WANG FU LING – Opening

JOSEPH KOO & WANG FU LING – To Be A Man (Mandarin)

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Bernard Purdie – Soul is…Pretty Purdie (Flying Dutchman – 1972)

Maître de la batterie, Bernard Purdie s’est également produit avec les plus grands : Aretha Franklin, James Brown, Louis Armstrong, Dizzy Gillespie…Cela pose son homme… En réalité, Purdie est surtout connu pour avoir été crédité comme batteur d’un nombre incalculable de disques. Mais cet album de 1972, produit par le mythique label Flying Dutchman, est le seul qui le crédite comme artiste à part entière : Purdie va même jusqu’à faire les voix sur le langoureux « Don’t Go« .

Mais ce disque est surtout marqué par son incroyable maîtrise du groove funk et soul, et une fois derrière les fûts, Purdie s’en donne à coeur joie, comme sur l’incroyable « Heavy Soul Slinger« , qui débute par un break de batterie comme seul Purdie pouvait en jouer.

Pour les amateurs de technique, je vous recommande les vidéos de ses master classes qui permettent de se rendre compte de son exceptionnel talent et de sa virtuosité incontestable, le tout sans se prendre au sérieux et avec le sourire !

Pour finir, voici deux titres extraits de l’album « Soul is… ». Attention, la qualité n’est pas exceptionnelle, car c’est tiré du vinyl original, mais cela reste largement acceptable.

BERNARD « PRETTY » PURDIE- Good Livin’ (Good Lovin’) : cette mélodie vous dit quelque chose ? Vous l’avez déjà entendue quelque part ? Ne cherchez pas plus loin : c’est tout simplement car ce titre a été samplé par Prodigy sur The Narcotic Suite: 3 Kilos (dans l’album Music for The Jilted Generation). L’original est quand même sacrément puissant…

BERNARD « PRETTY » PURDIE- Song For Aretha : titre épique de 7:30 où l’on découvre la voix de Purdie sur un titre en hommage à la mythique chanteuse soul. Un grand moment.

12 Inch Session #6

Sixième épisode de mes sessions 12 inch avec toujours plus de raretés roots en version extended. Les « Prince » sont à l’honneur cette fois-ci : Prince Allah, Prince Jazzbo et Prince Mohammed.

La session peut être téléchargée en cliquant ICI.

PRINCE ALLAH – Youthman In The Ghetto [disco style]  (Redemption Sounds – 1978) : cette version disco style est sortie en 1980 sur l’album « The Best Of Prince Allah », compilation de singles et disco 45 enregistrés entre 1976 et 1979. Drôle d’idée de faire un best of après un seul album publié en 1979 ! Mais le résultat est impressionnant : chant splendide, rythme frénétique et version dub dopée pour 7:55 de pur roots.

MOON ROCKS & PRINCE JAZZBO – Unite Jah People / Have No Fear (Bushay’s – 1978) : une fois n’est pas coutume, une version 12 inch produite en Angleterre par le label Bushay. A noter l’excellente partie de cuivres, mise en avant dans la version dub dirigée par un Prince Jazzbo à la cool mais en grande forme.

CULTURE & PRINCE MOHAMMED – Zion Gate / Forty Leg Dread (Errol T.- 1978) : produit par Joe Gibbs et le génial ingénieur du son Errol Thompson, l’homme derrière l’illustrissime « Java » d’Augustus Pablo, ce titre apparaît sur la compilation « Spotlight On Reggae Vol.2 » sur le label Rocky One. Trés influencé « roots » grâce à la prestation des fondateurs du genre, Culture, ce titre est également marqué par une version DJ survitaminée de Prince Mohammed. Du très lourd !

Eenie Menie Miny Mo Clash – IV My People vs. Basil Gabbidon

Les comptines sont souvent innocentes, mais leurs origines se perdent parfois dans un héritage historique peu avouable.

Une hôtesse de la compagnie américaine Southwest Airlines l’a apprise à ses dépens.  Alors qu’elle souhaitait accélerer l’installation des passagers avant le décollage, elle s’adressa à deux femmes noires en reprenant une célèbre comptine américaine : « Eenie, Meenie, Minie, Mo pick a seat we gotta go ». Rien de grave, selon vous ? Ce n’est pas ce qu’ont pensé les deux femmes noires qui ont immédiatement porté plainte contre l’hôtesse pour injure raciale…

Que s’est-il passé pour que deux personnes portent plainte pour une innocente comptine ?

« Eenie Menie Miny Mo » est non seulement ultra célèbre aux Etats-Unis, mais c’est également l’une des comptines les plus anciennes. Son origine remonte à la période précédant la Guerre Civile, soit il y a plus de 250 ans. A cette époque, le texte était le suivant :

Eenie-Meenie-Minie-Mo,
Catch a nigger by his toe,
If he hollers make him pay,
fifty dollars every day.

Plus récemment, la seconde phrase a été changée pour devenir plus politiquement correct :

Catch a tiger by his toe…

Même si l’hôtesse n’a pas utilisé le fameux mot incriminé, les plaignantes demandent réparation pour le préjudice moral subi par la simple évocation du souvenir d’une comptine qui se perd dans la nuit des temps…Ah, les Etats-Unis sont vraiment un beau pays où judiciarisation et politiquement correct font bon ménage…Pour la petite histoire, après une courte délibération, le jury a débouté les deux plaignantes, reconnaissant que l’expression utilisée par l’hôtesse n’avait aucun caractère discriminatoire…

De manière plus légère, et avec un grand écart stylistique (!), voici deux titres qui font référence à cette fameuse comptine :

BASIL GABBIDON -Enie Meanie Miney Mo (Iron Side Records – 1963) : ce titre ska a été produit par le grand Clement Coxsone Dodd.

IV MY PEOPLE Feat. LORD KOSSITY – Eenie Meenie Miny Mo (IV My People – 1999) : projet parallèle de Kool Shen (NTM) avec Zoxea, Serum et Salif. Si les textes sont un peu caricaturaux, l’instrumental de Madizm est excellente (avec un superbe sample de Millie Jackson) et le featuring de Lord Kossity toujours explosif.

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