Du groove africain, d’hier et d’ajourd’hui…

Une fois n’est pas coutume, quelques sorties d’albums, qui risquent malheureusement de passer inaperçus. Je n’ai pas encore eu la chance de les écouter, mais ils ont tous les critères requis pour être sur ce blog et je vous les recommande donc vivement :

  • GOLDEN AFRIQUE Vol. 1 (1971-1983) [Network – sortie le 10 mars 2005] : un important travail de réédition sur CD, destiné à mieux faire connaître toute la richesse des musiques populaires africaines à l’époque des indépendances : de la Guinée au Mali, en passant par la Guinée-Bissao, la Gambie, la Côte d’Ivoire, leTchad ou encore le Sénégal, on y croise le style afro-cubain, la soul, le blues et des approches plus traditionnelles. On y retrouve les débuts des plus grands (Youssou N’Dour, Salif Keita, Orchestra Baobab, Myriam Makeba) mais aussi les orchestres les plus en vue à l’époque (Bembeya Jazz National, Super Eagles) et d’autres moins connus, mais dont le seul nom fait déjà rêver (Orchestre de la Paillotte, Balla et ses Balladins, Amazones de Guinée). Comble du luxe, ce double album au format longbox est accompagné d’un livret de plusieurs dizaines de pages richement documentées.
  • SONORAMA – SUD DU BENIN (à commander sur le site www.cosmonote.net) : bien plus qu’un disque, un documentaire interactif mêlant musiques urbaines contemporaines et traditions ancestrales, sans tomber dans la momification musicale de la « world music », vieux relent de néocolonialisme latent. Ce projet, à l’initiative de deux anciens Français coopérants au Bénin, mêle un cd audio rempli des derniers tubes béninois qui se vendent par milliers de cassettes sur les marchés de Cotonou et un dvd-rom retraçant histoire, géographie et culture de cette partie de l’Afrique si vivante et si créative.

        

The Sound Of Philadelphia – Philadelphia Roots Vol. 2 – 1965-1973 (Soulz Jazz Records – 2004)

L’amateur éclairé de musiques obscures connaît bien le label londonien Soul Jazz et plus particulièrement son travail pharaonique de réédition du catalogue Studio One. Mais cet arbre cache la forêt de titres consacrés au funk sous toutes ses formes que le label a décidé de remettre au goût du jour. Après la scène de Miami, de la Nouvelle-Orléans et de Chicago, c’est au tour de celle de Philadelphie.

Malgré une scène musicale hyperactive dans les 60’s et les 70’s, Philadelphie est nettement moins connue que Detroit avec la Motown ou encore Memphis avec Stax. Pourtant, c’est bien à Philadelphie que les plus grands titres soul-funk-pop contemporains sont nés. Ainsi, la rythmique du « Ready or Not » des Delfonics a fait le tour du monde depuis sa consécration par les Fugees, trente ans plus tard.

Mais au-delà de la seule qualité musicale des artistes, c’est bien une méthode de travail qui a permis à Philadelphie de conserver jusqu’à nos jours une scène musicale créative et novatrice (The Roots, Erikah Badu, Jill Scott, etc…). Depuis les 60’s, tous ces artistes vivent en effet ensemble avant de travailler ensemble . Ils prennent du plaisir à se retrouver pour échanger de nouvelles idées de rythmes, de sons, de textes et cela s’entend…

Certes, l’évolution disco qui commence à poindre vers la fin des 70’s peut rebuter les inconditionnels de soul et de funk, mais c’est définitivement ce qui donne cet aspect si convivial et joyeux à cette compilation. Et puis on est tellement heureux de retrouver quelques samples mythiques, réutilisés depuis par le génial DJ Shadow (« Yellow Sunshine »), ou encore de découvrir de vraies beautés obscures et intrigantes (les choeurs des Three Degrees sur « Collage », à mourir…) que l’on se rappelle vite que le disco n’est pas une génération spontanée : il plonge ses racines dans toute la richesse d’une musique afro-américaine dont une part de l’héritage se trouve…à Philadelphie.

 

Gary Bartz & Ntu Troop – Blue (A Folk Tale)

B L U E I’m Blue as I can be

Can you get as blue as me ?
Won’t you join us and then you’ll see
What it means to be blue as me.

B L A CK I’m black and i’m blue
I’m not blue cause I’m black
I’m blue cause I’m me

Blue is Black and Black is Blue
What coulour are you ?

Voilà un titre phénoménal tiré album d’une richesse et d’une densité rare, « Harlem Music » sorti en deux LP sur le label Milestone en 1970.  Sur plus de 16 minutes épiques, le fabuleux saxophoniste Gary Bartz exprime toute la problématique afrocentriste et antiraciste de l’époque du mouvement des droits civiques.

Ca part comme un bon vieux blues, puis, après un solo de sax, éclate une batterie funk qui satellise le titre sur un groove exceptionnel. Quand l’engagement politique rencontre le talent et la créativité artistiques, ça donne « Blue (A Folk Tale) ».

Ecoutez et appréciez, c’est résolument l’un des plus beaux titres jazz-funk des 70’s. Rien de moins.

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Retour sur Wanted…

Après la réaction d’une lectrice de mon blog (cf. commentaire au précédent message), je tenais à préciser deux éléments :

1 – Visiblement, l’affaire créée par la sortie de la compilation Wanted par Makasound semble plus complexe que prévue. Surtout, les échos que certains sites ont donné sont pour le moins divergents…La part de responsabilité de Makasound devrait être étudiée. Je resterai donc très prudent sur la partie purement judiciaire de l’affaire.

2 – Le but de mon blog est de vous faire partager des découvertes ou des redécouvertes musicales. Je n’ai rien à vous vendre, et encore moins de vérité-toute-faite à vous asséner. Libre à vous de vous faire votre propre idée sur ces disques que moi-même j’ai aimé pour leur valeur strictement musicale.

Je profite de ces petites précisions pour vous remercier de consulter et de soutenir mon blog depuis maintenant 10 mois. Vous avez été en effet plus de 1.000 à le consulter depuis sa création en mars dernier.

J’en profite également pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année. Rendez-vous en début d’année pour d’autres chroniques musicales, d’autres découvertes soniques et des artistes toujours plus obscurs !

Wanted – 16 Previously Unreleased Heavyweight Roots Tunes (Makasound – 2004)

A l’heure où les compilations de singles reggae obscurs se succèdent avec plus ou moins de réussite, le jeune et indépendant label français Makasound a décidé de se lancer dans l’aventure. A la différence majeure que la qualité et l’objectif même de cet album en font l’un des hommages actuels le plus riche et le plus convaincant.

Qualité, tout d’abord. Car la période couverte par cette compilation (1973-1983) permet d’aborder à la fois une grande diversité de styles (roots, deejay, dub, etc…) mais aussi la rare intensité créatrice qui marqua la Jamaïque aux tournants des années 70. C’est en effet durant cette décennie que les fondements tant musicaux que politiques du reggae se mirent progressivement en place. Le rythme effréné des productions jamaïcaines permit l’émergence d’une multitude de labels et de groupes, dont certains passèrent à la postérité, mais dont la très grande majorité ne pouvaient se targuer que d’une courte existence, limitée à un ou deux singles tout au plus.

C’est de ces groupes et artistes « météoritiques » dont il s’agit ici : Roy Dobson, Abdulkareem, Psalms, Upright Foundation, Basil Thompson…Autant d’inconnus qui gravèrent sur quelques vinyls leurs espoirs mêlés de renommée, de gloire et de changements politiques. A écouter la qualité de ces chutes de studio, on a le sentiment de découvrir un réel trésor. On ne peut également s’empêcher de penser qu’après tant d’années à défricher les innombrables catalogues officiels (Island, Trojan, Studio One), il reste encore une partie immergée de l’iceberg qui ne demande qu’à être redécouverte…

Objectif ambitieux, s’il en est…C’est en tout cas le parti pris de l’équipe de Makasound, qui souhaite, grâce à cette compilation, à retrouver les divers ayants droits oubliés par la ruée vers l’or du reggae. Le label s’est associé à l’occasion avec la Jamaican Association of Vintage Artists & Affiliates (JAVAA), dont le but affiché est de revaloriser les artistes reggae spoliés par des producteurs peu scrupuleux.

Ce qui ne devait être au départ qu’un projet musical et social s’est pourtant transformé rapidement en affaire judiciaire. Makasound a en effet du retirer la compilation des bacs un mois seulement après sa commercialisation. Les accords oraux obtenus par le label avant la production de l’album n’ont visiblement pas suffi à tempérer les potentiels ayant droits…