Tommy Mc Cook : Mister Jazz in Jamaica

Souvent éclipsé par le génial Don Drummond, avec lequel il contribua à la création des historiques Skatalites en 1963, Tommy Mc Cook est pourtant l’un des piliers d’une génération de musiciens jamaïcains, formés à la célèbre Alpha Boys School de Sister Ignatus et qui a introduit une multitude d’influences nouvelles sur le sol caribéen.

L’une de ces influences majeures est le jazz. Alors qu’il séjournait au Bahamas entre 1954 et 1962 et jouait dans des clubs pour touristes, Tommy Mc Cook eut l’occasion de faire une excursion à Miami en 1956 et reçu alors le choc musical de sa vie : il entendit un solo de John Coltrane et comprit immédiatement qu’il fallait qu’il change sa façon de concevoir et de jouer du saxophone.

A son retour en Jamaïque, en 1962, il poursuit dans cette veine musicale en jouant dans des orchestres jazz qui reprennent des titres de Coltrane. Mais rapidement, il est contacté par les producteurs les plus en vue à l’époque (Coxsone, Randy Chin) en raison de sa virtuosité et de la particularité de son « son » : il ne faut pas oublier que Coxsone était un grand amateur de jazz…

Hésitant dans un premier temp à passer le pas vers une musique plus « profane », il est finalement convaincu par le discours afrocentriste de Count Ossie et des mouvements rasta naissants. Dès lors, il s’engagera pleinement dans le bouillonnement musical qui émerge en Jamaïque et sera de toutes les plus grandes étapes de son évolution : ska, rocksteady, etc…

Tommy Mc Cook est très certainement l’un des plus grands représentants d’une génération de musiciens et d’artistes jamaïcains, désormais éteinte. Une génération qui alliait une exceptionnelle maîtrise technique à une expressivité musicale rarement égalée. Bien entendu, comme dans les plus grands moments historiques, la chance a également été de la partie. Sinon, comment expliquer rationnellement cette conjonction exceptionnelle de talents, d’influences et de genie technique sur une petite île caribéenne ?

Lorsque l’on ne sait pas où l’on va, la meilleure solution est encore de regarder d’où l’on vient. Et l’héritage laissé par les pionniers de la musique jamaïcaine, au rang desquels figure en bonne place Tommy Mc Cook, est une source d’éternelle jouvence dans laquelle nous pourrons toujours puiser une inspiration sans fin.

Téléchargez une sélection de titres en cliquant sur les liens ci-dessous :

Tommy Mc Cook – Shockers Rock : un ska déjanté avec un thème oriental qui tourne en spirale – à noter un break instrumental particulièrement réussi en deuxième partie de morceau (extrait de la compilation Studio One Scorchers)

Tommy Mc Cook & Don Drummond Junior – Fisherman Special : un titre dans la veine la plus méditative de Mc Cook : rythmes lents et lourds, longues plages de cuivres et atmosphère transpirant la spiritualité (extrait de l’album YabbyYou – Jesus Dread)

Tommy Mc Cook – Plague of Horn : une version dub mais groovy, avec une basse pesante, compensée par la légèreté des cuivres (extrait de l’album Yabby You – Jesus Dread)

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12 inch Session #3

Troisième édition de mes sessions 12 inch, avec cette fois-ci la possibilité de télécharger directement le mix.

Au programme cette fois-ci : un instrumental mystique avec un titre rare (Ayatollah) du grandissime clavier de Studio One, Jackie Mittoo, du roots psalmodié par Rod Taylor (Promised Land) et sa voix à vous décrocher des pleurs, accompagnée par une basse tellurique, et enfin un titre à la production plus récente et plus deejay style avec le génial Yami Bolo, visionnaire en chantant Free Mandela.

La session peut être téléchargée en cliquant ICI.

Bonne écoute à tous.

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The Refugees All Stars : L’Autre Visage de la Sierra Leone

Alors que notre quotidien voit se multiplier les histoires les plus sordides, celle des Refugees All Stars est exemplaire.

Les Refugees All Stars est un groupe de Sierra Léonais déportés vers la Guinée en raison de la guerre civile qui sévit dans leur pays depuis plus d’une dizaine d’années. Malgré les souffrances physiques et morales liées à ce conflit, ils ont trouvé la force pour créer une formation musicale qui leur permet d’exorciser les horreurs liées à cette guerre civile. Cela leur a permis de créer un album unique, enregistré grâce aux réalisateurs d’un documentaire, qui, en voyant la force de conviction de ces six Sierra Léonais, ont accepté de financer le projet.

Cela donne un mélange de reggae couplé à du rap africain, du high life, de la rumba, etc…Toute l’énergie de la musique africaine transpire par toutes les pores de ce disque, hautement recommandable à tous amateurs de musique africaine. Tous les titres figurant sur ce disque sont originaux, et ont été enregistrés pendant leurs années d’exil en Guinée. Un superbe témoignage aux convictions de ces survivants d’un désastre humanitaire que le commaunauté internationale essaye de masquer…

Leur album peut être commandé sur le site CD Baby, en attendant qu’il soit disponible en France…

N’hésitez pas à visiter leur site, très bien fait, qui permet d’avoir un bon aperçu du contexte dans lequel l’album a été enregistré et surtout de découvrir les différents protagonistes qui ont contribué à cette belle entreprise.

A découvrir dans la Chongastyle’s Radio : Livin’ Like A Refugee et Pat Malonthone

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La renaissance du label Fania

La nouvelle était passée relativement inaperçue, mais elle marque pourtant la renaissance (et la reconnaissance) d’un des labels qui a largement popularisé la salsa et la musique latine au sens large : le consortium  Emusica Entertainment Group, basé à Miamia, racheté en 2005 l’exceptionnel catalogue du label Fania pour la « modique » somme de … 10 millions de dollars ! Après un travail de sélection et de remasterisation, ce sont près de 30 albums originaux de Ray Barretto, Mongo Santamaria, Joe Bataan, Celia Cruz, Willie Colon etc…qui seront à nouveau disponibles dans les bacs à partir de juin 2006.

Fania a été fondé en 1964 par un avocat italo-américain – Jerry Masucci – et le musicien Johnny Pacheco. Pour des raisons budgétaires, ils ne signèrent au début que de jeunes groupes latino du Bronx et de Puerto Rico, ce qui devint progressivement leur marque de fabrique et, surtout, façonna leur succès. Car ces groupes, peu connus à leurs débuts (Willie Colon avait 16 ans quand il signa pour Fania…), se lançèrent à corps perdus dans la fusion entre la salsa et les musiques émergentes de l’époque : funk, jazz, afro-latin, etc…

Cette inventivité et cette créativité ne se fit pas au détriment du caractère populaire de la musique, à la fois auprès d’un public latino qui voit enfin sa musique gagner ses lettres de noblesse, et d’un public plus large qui découvre la richesse de l’éventail de la latin music. L’aspect « révolution culturelle latino » a souvent conduit à comparer Fania avec la Motown.

Au-delà de l’aspect musical, le rôle qu’a joué Fania dans l’émancipation sociale, politique et économique des populations latinos aux Etats-Unis est immense. Comme l’a si justement dit Ras Michael au sujet du reggae : « Une nation sans sa culture, c’est comme un troupeau sans son berger ». Avec Fania, la population latino avait enfin trouvé son berger…

Espérons que le rachat du catalogue par Emusica ne constitue pas qu’une seule opportunité commerciale, et contribue à réaffirmer le rôle éminemment important qu’à joué ce prestigieux label dans la musique contemporaine.

A découvrir dans la Chongastyle’s Radio : le funky « Love Child » de Mongo Santamaria, et le monumental « Smoke » des Fania All Stars.

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Lee Perry feat. Seke Molenga & Kalo Kawongolo – From the heart of the Congo (Sonafric – 1979)

Voilà sûrement l’un des albums jamaïcains les plus étranges et étonnants de tous les temps…et bien entendu il est produit par le plus dingue de tous les producteurs de l’île : sa majesté Lee Scratch Perry himself.

Etrange, car il trouve son origine dans une histoire incroyable. En 1977, un apprenti producteur décida de faire venir deux Zaïrois en Jamaïque afin de développer un nouveau son reggae inspiré des racines africaines. L’histoire veut que les deux pauvres Zaïrois se soient retrouvés lâchés seuls dans les rues de Kingston, sans parler anglais et bien entendu sans argent, après que l’apprenti producteur ait décidé d’abandonner son ambitieux projet…

Il semble toutefois qu’une bonne âme (ou une bonne étoile) les ait conduit en désespoir de cause jusqu’à la Black Ark, l’antre miraculeuse de Perry. Ce dernier, prenant l’arrivée surprise de deux Africains comme un signe de Jah, s’empressa de les enregistrer, ce qui conduit à la réalisation des six titres de « From the heart of the Congo ».

Au-delà de la production inimitable de Perry (sons malaxés, bruits incongrus, atmosphère enfumée, etc…), se dégage quelque chose de difficilement définissable, mais qui en fait l’un des ovnis musicaux le plus étonnant de toute la production jamaïcaine.

Cela vient très certainement des qualités vocales et musicales de Seke Molenga et Kalo Kawongolo : la pochette les crédite à tous les postes (guitare, batterie, percussions, cuivres…). Mais cela vient surtout de la rencontre improbable de deux univers en pleine ébullition créative, de rares moments de création musicale en studio, comme il n’en existe quasiment plus.

Sur le net, les puristes de Perry trouvent que cet album est au mieux une erreur de parcours, au pire l’un de ses plus faibles. Je pense au contraire qu’il s’agit là de l’un des pics de créativité de la Black Ark, au même rang que ceux qui ont lancé la carrière de Marley ou des Upsetters.

A découvrir dans la Chongastyle’s Radio : Bad Food et Nakoya

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