Charlie Haden – Liberation Music Orchestra (Impulse! – 1969)

Vous avez sûrement déjà éprouvé ce sentiment de grande solitude lorsque l’un de vos invités, au cours d’une soirée entre amis, vous lance droit dans les yeux que le jazz est bel et bien une musique pour piano bar ou dîner aux chandelles…Que lui répondre ou que lui faire écouter pour lui prouver le contraire ?

Ce disque de Charlie Haden, « Liberation Music Orchestra », qui est tout autant un concept album qu’un manifeste politique déclaré. Né en 1937 dans l’Indiana, Charlie Haden grandit dans une famille de musiciens folk et country. Suite à une polio qui lui paralysa une partie de la gorge et du visage et anéantissa par la même tout espoir de devenir chanteur, il se réfugia dans l’étude de la contrebasse.

Après avoir débuté à 27 ans une carrière prometteuse, il fut très vite repéré par Ornette Coleman qui l’entraîna dans la spirale du free jazz naissant. Recontrant les étoiles du jazz de l’époque (Don Cherry, Archie Shepp, Roswell Rudd), il s’immergea tête la première dans le bouillonnement créatif ambiant en créant son propre groupe, le Liberation Music Orchestra.

Influencé par l’idéologie anti-fasciste de gauche et fasciné par l’héroïsme des parcours du Ché et des libérateurs de la guerre d’Espagne, Haden fait s’entrechoquer dans ses titres des pans de guitare andalouse avec des solos de sax free, des fanfares sud américaines avec les rythmes hâchés d’une batterie désinhibée.

Car la curiosité du trajet peu commun qu’a emprunté Charlie Haden est effectivement de ne faire ressembler sa musique à aucune autre. Même dans l’excès et l’improvisation la plus poussée, le son qui émerge a une couleur si neuve, si originale, qu’il paraît sortir d’un prisme aux innombrables facettes. La nouveauté qu’Haden insuffle dans le jazz de l’époque est prodigieuse. Cela tient notamment au fait que, loin d’être un musicien purement technique, Haden se concentre sur la tonalité et le timbre de la musique plus que sur la virtuosité de tel ou tel enchaînement.

Il fonda dans les années 1980 un programme d’enseignement du jazz à l’Université et continua à jouer et produire en parallèle. A l’occasion de certains concerts, il reconstitue même le Liberation Music Orchestra. Toujours proche de Coleman, ils se retrouvèrent en 200 pour jouer au Bell Atlantic Jazz Festival de New York.

Un dernier conseil pour vos amis sourds aux sirènes du jazz : faites leur écouter les 9 minutes 29 de « Song for Ché » et demandez leur s’ils ont changé d’avis. Effet radical assuré…

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