L’héritage musical du Roi Fela Kuti a souvent été incarné par sa propre progéniture, en la personne de Femi et de Seun, et, plus rarement, par certains de ses musiciens les plus talentueux, dont son batteur Tony Allen. Mais rares sont ceux qui connaissent l’existence et la richesse des excursions solo des autres membres des groupes successifs de Fela (Koola Lobitos, Afrika 70, Egypt 80)
Entre 1963 et 1997, plusieurs dizaines d’artistes plus talentueux les uns que les autres ont joué avec les Afrika 70. Par leur virtuosité technique et leur feeling musical, ils méritent autant que Fela la paternité de ce fameux son afrobeat, né dans les ghettos de Lagos. Pourtant peu d’entre eux ont enregistré leurs propres productions, et ils sont encore moins nombreux à avoir acquis une notoriété en dehors du Nigéria.
Heureusement, Honest Jons Records (le label de l’ex-Blur Damon Albarn) a réédité en 2004 deux des albums produits par des membres d’Afrika 70 : Tunde Williams (trompette) et Leka Animashaun (sax baryton). La diffusion de ces productions a souvent fait l’objet d’âpres négociations entre Fela et les maisons de disques, ce qui décalait souvent la sortie de l’album plusieurs années après la date d’enregistrement. Parfois, les enregistrements n’étaient même diffusés, faute d’accord entre les parties.
Même s’il s’agit d’efforts solo, la patte de Fela et du reste de son groupe est particulièrement sensible. Le son est par conséquent un condensé d’afrobeat, au plus fort de la période créatrice de Fela (1977-1979) : titre de plus de 10 minutes, intro qui s’étendent à l’infini, ponctuées de touches de sax percutantes, puis c’est l’entrée en scène du chant, dont les paroles sont souvent répétées en boucle, dans une transe rythmique.
Comme l’indiquent les notes du livret, il reste encore beaucoup de productions de Fela à rééditer : les enregistrements des Koola Lobitos sur la période 1965-1969, le concert de Berlin en 1978, une grande partie des enregistrements de la période Egypt 80, etc…Mais ces rééditions de Tunde Williams et Lekan Animashaun préfigurent le début de cet important travail de prolongation de l’héritage musical de Fela, désormais incarné physiquement par ses fils, mais dont la richesse reste encore à découvrir.