Black Jazz Records : l’utopie en action

Le début des années 70 a été marqué, aux Etats-Unis, par l’explosion du mouvement pour les droits civiques des Afro-américains. C’est à la même époque qu’a été fondé le label Black Jazz Records par le pianiste jazz Gene Russell. Une coïncidence ? Pas vraiment, puisque ce label a été spécifiquement créé pour catalyser, enregistrer, produire et commercialiser les meilleures tentatives d’expression de ce mouvement afrocentriste.

Rares sont les labels, qui, comme Black Jazz Records, affichent une telle unité sonore et idéologique. Car il s’agit bien là de la tentative la plus aboutie de regénérer un jazz occidentalisé et assagi, dépouillé de ses racines africaines et détourné de son but premier : mettre en musique les bases d’une utopie politique et sociale. Doug Carn, Jean Carn, Calvin Keys, Kellee Paterson, The Awakening…tous ces artistes ont contribué à ce processus de renaissance communautaire et à la réussite de Black Jazz Records.

Pourtant, le label n’a été actif que durant six années (1971-1976) : mais c’était amplement suffisant pour créer un mythe, qui ne s’est pas démenti depuis. James Hardge, collectionneur et fan absolu de Black Jazz, a repris les rênes du label en 1986 après avoir retrouvé Doug Carn en Floride. Ayant acquis les droits sur l’ensemble du catalogue, il s’emploie depuis à réediter des titres sur CD, produire de nouveaux artistes et surtout réactiver « l’esprit Black Jazz ».

Cela ne va pas sans difficultés, d’autant plus que James Hardge traque continuellement sur son site (http://www.blackjazz.com/) les copies bootlegs qui sont diffusées à travers le monde. Une récente polémique a d’ailleurs touché le label anglais Soul Jazz Records : ce dernier aurait produit une compilation des artistes de Black Jazz Records sans l’autorisation expresse des ayants droits. James Hardge a donc demandé le retrait pur et simple de tous les exemplaires de cette compilation…

Une sélection non exhaustive des pépites les plus extraordinaires :

  • DOUG CARN – Infant Eyes
  • THE AWAKENING – Mirage
  • DOUG CARN & JEAN CARN – Spirit of the new land
  • CLEVELAND EATON – Plenty good Eaton
  • CHESTER THOMPSON – Powerhouse

 

Du groove africain, d’hier et d’ajourd’hui…

Une fois n’est pas coutume, quelques sorties d’albums, qui risquent malheureusement de passer inaperçus. Je n’ai pas encore eu la chance de les écouter, mais ils ont tous les critères requis pour être sur ce blog et je vous les recommande donc vivement :

  • GOLDEN AFRIQUE Vol. 1 (1971-1983) [Network – sortie le 10 mars 2005] : un important travail de réédition sur CD, destiné à mieux faire connaître toute la richesse des musiques populaires africaines à l’époque des indépendances : de la Guinée au Mali, en passant par la Guinée-Bissao, la Gambie, la Côte d’Ivoire, leTchad ou encore le Sénégal, on y croise le style afro-cubain, la soul, le blues et des approches plus traditionnelles. On y retrouve les débuts des plus grands (Youssou N’Dour, Salif Keita, Orchestra Baobab, Myriam Makeba) mais aussi les orchestres les plus en vue à l’époque (Bembeya Jazz National, Super Eagles) et d’autres moins connus, mais dont le seul nom fait déjà rêver (Orchestre de la Paillotte, Balla et ses Balladins, Amazones de Guinée). Comble du luxe, ce double album au format longbox est accompagné d’un livret de plusieurs dizaines de pages richement documentées.
  • SONORAMA – SUD DU BENIN (à commander sur le site www.cosmonote.net) : bien plus qu’un disque, un documentaire interactif mêlant musiques urbaines contemporaines et traditions ancestrales, sans tomber dans la momification musicale de la « world music », vieux relent de néocolonialisme latent. Ce projet, à l’initiative de deux anciens Français coopérants au Bénin, mêle un cd audio rempli des derniers tubes béninois qui se vendent par milliers de cassettes sur les marchés de Cotonou et un dvd-rom retraçant histoire, géographie et culture de cette partie de l’Afrique si vivante et si créative.

        

The Sound Of Philadelphia – Philadelphia Roots Vol. 2 – 1965-1973 (Soulz Jazz Records – 2004)

L’amateur éclairé de musiques obscures connaît bien le label londonien Soul Jazz et plus particulièrement son travail pharaonique de réédition du catalogue Studio One. Mais cet arbre cache la forêt de titres consacrés au funk sous toutes ses formes que le label a décidé de remettre au goût du jour. Après la scène de Miami, de la Nouvelle-Orléans et de Chicago, c’est au tour de celle de Philadelphie.

Malgré une scène musicale hyperactive dans les 60’s et les 70’s, Philadelphie est nettement moins connue que Detroit avec la Motown ou encore Memphis avec Stax. Pourtant, c’est bien à Philadelphie que les plus grands titres soul-funk-pop contemporains sont nés. Ainsi, la rythmique du « Ready or Not » des Delfonics a fait le tour du monde depuis sa consécration par les Fugees, trente ans plus tard.

Mais au-delà de la seule qualité musicale des artistes, c’est bien une méthode de travail qui a permis à Philadelphie de conserver jusqu’à nos jours une scène musicale créative et novatrice (The Roots, Erikah Badu, Jill Scott, etc…). Depuis les 60’s, tous ces artistes vivent en effet ensemble avant de travailler ensemble . Ils prennent du plaisir à se retrouver pour échanger de nouvelles idées de rythmes, de sons, de textes et cela s’entend…

Certes, l’évolution disco qui commence à poindre vers la fin des 70’s peut rebuter les inconditionnels de soul et de funk, mais c’est définitivement ce qui donne cet aspect si convivial et joyeux à cette compilation. Et puis on est tellement heureux de retrouver quelques samples mythiques, réutilisés depuis par le génial DJ Shadow (« Yellow Sunshine »), ou encore de découvrir de vraies beautés obscures et intrigantes (les choeurs des Three Degrees sur « Collage », à mourir…) que l’on se rappelle vite que le disco n’est pas une génération spontanée : il plonge ses racines dans toute la richesse d’une musique afro-américaine dont une part de l’héritage se trouve…à Philadelphie.

 

Gary Bartz & Ntu Troop – Blue (A Folk Tale)

B L U E I’m Blue as I can be

Can you get as blue as me ?
Won’t you join us and then you’ll see
What it means to be blue as me.

B L A CK I’m black and i’m blue
I’m not blue cause I’m black
I’m blue cause I’m me

Blue is Black and Black is Blue
What coulour are you ?

Voilà un titre phénoménal tiré album d’une richesse et d’une densité rare, « Harlem Music » sorti en deux LP sur le label Milestone en 1970.  Sur plus de 16 minutes épiques, le fabuleux saxophoniste Gary Bartz exprime toute la problématique afrocentriste et antiraciste de l’époque du mouvement des droits civiques.

Ca part comme un bon vieux blues, puis, après un solo de sax, éclate une batterie funk qui satellise le titre sur un groove exceptionnel. Quand l’engagement politique rencontre le talent et la créativité artistiques, ça donne « Blue (A Folk Tale) ».

Ecoutez et appréciez, c’est résolument l’un des plus beaux titres jazz-funk des 70’s. Rien de moins.

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Retour sur Wanted…

Après la réaction d’une lectrice de mon blog (cf. commentaire au précédent message), je tenais à préciser deux éléments :

1 – Visiblement, l’affaire créée par la sortie de la compilation Wanted par Makasound semble plus complexe que prévue. Surtout, les échos que certains sites ont donné sont pour le moins divergents…La part de responsabilité de Makasound devrait être étudiée. Je resterai donc très prudent sur la partie purement judiciaire de l’affaire.

2 – Le but de mon blog est de vous faire partager des découvertes ou des redécouvertes musicales. Je n’ai rien à vous vendre, et encore moins de vérité-toute-faite à vous asséner. Libre à vous de vous faire votre propre idée sur ces disques que moi-même j’ai aimé pour leur valeur strictement musicale.

Je profite de ces petites précisions pour vous remercier de consulter et de soutenir mon blog depuis maintenant 10 mois. Vous avez été en effet plus de 1.000 à le consulter depuis sa création en mars dernier.

J’en profite également pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année. Rendez-vous en début d’année pour d’autres chroniques musicales, d’autres découvertes soniques et des artistes toujours plus obscurs !