Ensemble Al-Salaam – Sojourner (Strata East – 1974)

Il y a peu de labels qui ont guidé la musique contemporaine par leur créativité et leur vision. On connaît les plus grands noms : Stax, Motown, Chess Records etc…Mais, mis à part le milieu des collectionneurs et des crate diggers, le nom de Strata East reste méconnu.

C’est pourtant ce label, fondé en 1971, qui produisit parmi les plus belles pépites soul et jazz avec une soixantaine d’albums diffusés au cours de la décennie des 70’s. Des artistes aussi prestigieux que Clifford Jordan, Pharoah Sanders, Shirley Scott et Bill Lee, le père de Spike Lee, furent embarqués dans l’aventure Strata East, une aventure marquée par une double recherche : musicale (du funk au jazz, toutes les innovations étaient les bienvenues) et politique (l’émergence de l’identité afro-américaine).

C’est également sur ce label que le génial Gil Scott Heron enregistra en 1974 son album « Winter in America » et le titre « The Bottle », qui devint un véritable hit, et propulsa temporairement Strata East sur la scène médiatique.

La même année, l’une des pépites les mieux gardées du label était gravée sur vinyl : il s’agit de l’album « Sojourner » de l’Ensemble Al-Salaam.

Le style, la voix, beaucoup de choses sur cet album me rappelle le duo Doug Carn et Jean Carn sur le label Black Jazz Records : même la couverture est une copie en négatif de la charte graphique de Black Jazz !

Il y a quand même une différence de taille : là où les Carn s’arrêtaient à un jazz spirituel d’excellente facture, l’Ensemble Al-Salaam n’hésite pas à franchir la frontière du groove pour flirter à plusieurs moments avec le funk.

Le mélange des deux est selon moi la grande innovation du disque, avec la voix exceptionnelle de Béatrice Parker, qui illumine l’album de la première à la dernière piste : il suffit pour s’en convaincre d’écouter l’énergique « Circles », le groovy « Optimystical » et le planant « Peace ».

Du grand art que je vous propose de découvrir en trois titres…

…et pour ceux qui veulent aller plus loin, suivez ce lien.

Chongamix #17 – Caribbean Grooves

Après un détour par l’Asie lors du dernier Chongamix et la découverte des raretés locales, nous voilà repartis pour une nouvelle destination musicale : les Caraïbes.

Au-delà des clichés habituels sur cette région aussi vaste que variée, il est intéressant de s’attarder sur quelques artistes ou genres musicaux souvent méconnus sous nos latitudes. Par exemple, le kaseko de Lieve Hugo, directement importé du Suriname, l’ancienne Guyane hollandaise, avec sa guitare funky, ses cuivres afrobeat et son chant entre patois et néerlandais, un vrai délice…

La particularité des Caraïbes est précisément d’être au carrefour de multiples cultures (latine, africaine, américaine, européenne,…) ce qui a profondément inspiré les artistes locaux. Le résultat en est une fusion exceptionnelle génératrice de styles aussi variés que le merengue, la salsa, la biguine, le compas, le kaseko, le calypso, etc…

Et même lorsque l’on pense connaître un style, on reste parfois époustouflé par la créativité de certains musiciens, comme je l’ai été avec les obscurs Boscoe Holders et leur « J’ai peur de revenir », beau à pleurer, ou leur délicieux « Ces Zazous-là » qui ont émerveillé mes sens et resteront une grande découverte.

Même constat pour ces anciennes stars du calypso que sont Wilmoth Houdini et The Montego Beach Hotel Calypsonians. Ils ont produit une musique si fraîche et si naturelle qu’elles donnent envie de se trémousser avec un rhum à la main et un large sourire sur le visage.

L’une des spécificités des artistes caribéens a toujours été d’associer à leur musique des paroles souvent très critiques socialement (ex. le titre Jojo de l’Ensemble La Perfecta et son clin d’oeil à la « bande des métropolitains »), jouant sur l’ironie, les images fleuries et des scènes parfois olé olé, pour ne pas dire plus, comme le splendide « Bamboo Dance » de Black Czar.

Vous retrouverez également des noms connus, comme les Shleu Shleu, les Loups Noirs d’Haïti ou l’inoxidable Harry Belafonte, mais il me paraissait inconcevable de ne pas les intégrer car ils sont pour moi l’incarnation de l’incroyable écho que la musique caribéenne a pu avoir sur la scène internationale.

Bonne écoute à tous ! Je laisse la conclusion à Black Czar, qui résume bien l’ambiance générale de ce Chongamix :

When I heard the rhythm from the clarinet
Ey lord, the melody get right in my bone
When I hear the note from the saxophone
The old lady said, « This is bacchanal.
Yay, young boy, don’t stop it at all.
« 

Vous pouvez télécharger la session en version mixée en cliquant ICI, ou en version zip avec les titres individuels en cliquant ICI.

TRACKLIST :

01 – OUVERTURE – The United States Of The West Indies
02 – LIEVE HUGO – Mi Be Be
03 – DON NAURO & HIS CARIBBEAN BAR SEXTETT – Que Pasa En La Obscuridad
04 – ENSEMBLE LA PERFECTA – Jojo
05 – THE EXCITING ELOISE TRIO – Matilda
06 – LORD INVADER – Desmabar
07 – BLACK CZAR – Bamboo Dance
08 – L’HEURE HAITIENNE – Dlo
09 – ANZALA, DOLOR, VELO – Ti Fi La Ou Te Madam
10 – BOBBY BENSON & HIS COMBO – Gentleman Bobby
11 – BOSCOE HOLDERS – Ces Zazous Là
12 – LES LOUPS NOIRS – Rencontre
13 – SHLEU SHLEU – 3 Forces
14 – THE MONTEGO BEACH HOTEL CALYPSONIANS – Maintenance
15 – WILMOTH HOUDINI – Moan, People Moan
16 – CLAUDIO & LES SATANIK – Rend Mo l’Alliance
17 – PEARL BAILEY – Haïti
18 – KING RADIO & THE TIGER – Millington
19 – HARRY BELAFONTE – Man Smart (Woman Smarter)
20 – LES LOUPS NOIRS – Jet Biguine
21 – BOSCOE HOLDERS – J’ai Peur De Revenir

12 Inch Session #17 – Great Riddims

Après quelques mois de break, voici le grand retour de Chongastyle avec du très lourd : une session 12 inch exclusivement consacrée aux riddims mythiques ! Voici trois interprétations originales, rares ou tout simplement splendides qui révèlent la beauté des riddims classiques dans le fameux format 12 inch que vous appréciez tous.

J’espère que cette session vous plaira. La série des Chongamixes va très bientôt s’agrandir avec un épisode consacré aux grooves caribéens…A très bientôt sur le blog !

  • DON CARLOS & JOHN WAYNE – Money & Woman (Shuttle Records – 1983) [0:00>5:20] : une vraie bombe basée sur le Money Money riddim d’Horace Andy, avec une prestation DJ de John Wayne (sic !) qui dévaste tout sur son passage dès 2:40 : ce type est vraiment très doué, si vous rajoutez à cela des breaks musicaux dès 3:20, il y a vraiment de quoi entrer en transe !
  • HORACE ANDY – Want To Be Free (Studio One Reissue – 1993) [5:20>11:54] : une version assez rare sur le Queen Of Minstrel riddim, pour un artiste pourtant prolifique en 12 inch. Le chant d’Horace Andy se pose magnifiquement sur cet instru intemporel et de toute beauté, interprété pour la première fois par Cornell Campbell et The Eternals chez Studio One. Belle version dub.
  • MADOO & TOYAN – Rocking Of The Five Thousand (KG Imperial – 1980)  [11:54>18:43] : une pièce de choix pour clôturer cette session…Une version que vous avez sûrement déjà entendue mais que je ne résiste pas à vous remettre ici, tant elle est puissante et diablement efficace. Basée sur le Drum Song riddim de Jackie Mittoo (qui date quand même de 44 ans !), le DJ cut de Toyan est certainement l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné d’entendre. C’est fluide, naturel, on a l’impression qu’il a chevauché ce riddim toute sa vie…

La session peut être téléchargée en cliquant ICI.

Chongamix #16 – Funky Da Nang

L’été touche à sa fin et en cette rentrée 2010, où il ne fait pas bon sortir sans son visa, je vous propose de repartir loin, très loin, pour goûter à une cure survitaminée de bons vieux grooves sortis de mes coffres…

Cap vers l’Asie et ses groupes psychédéliques japonais, ses pop stars thaïlandaises enregistrées en 4 pistes mono, les chanteuses rock-folk made in Séoul, ses versions déjantées de Hair et ses lolitas indonésiennes qui s’essayent au funk.

Cela faisait longtemps que ce continent m’intéresse musicalement, et j’avais déjà pu glisser quelques perles dans les précédents mixes, notamment la série des Weird Grooves. Plus que n’importe où ailleurs, les artistes japonais, indonésiens, thaïlandais ou coréens ont nettement moins de limites dans l’expérimentation, le mélange des influences et surtout la transposition dans le domaine de la pop.

Beaucoup des titres que vous découvrirez dans ce mix ne vous diront strictement rien, mais sachez qu’ils étaient pour la plupart des titres pop très bien classés dans les classements locaux.

Une belle preuve que l’audace et l’expérimentation associée à un groove viscéral font un excellent mélange, plébiscité par le plus grand nombre.

Allez, si je devais avoir une préférence, je pencherai pour le Kembali de Tanti Josepha et le Genjer Genjer de Lilis Suryani pour leur douceur et leur beauté simple. Côté groove, foncez sur The Youngers et leur My Love, My Love et son rock garage explosif, ou encore l’imprononçable Gang Geng Nai Krai Lab, enregistré à l’arrache dans une arrière cuisine thaïlandaise mais terriblement groovy.

Quelques joyaux coréens sont également au programme avec la magnifique Kim Jung Mi et le talentueux Jung Huyun & The Men : une atmosphère particulière, étrange mélange de pop et de rock progressif , qui se confirme être une sorte de marque de fabrique chez plusieurs groupes coréens.

Bref, vous voilà rhabillés pour la rentrée et votre stock de rare grooves reconstitué !

PS : un petit clin d’oeil à Seb Genestier qui avait laissé un commentaire sur ma page Facebook en souhaitant un mix de funk bien exotique et bien barré. Seb, te voilà servi…

Portez-vous bien et n’oubliez pas : Let the sun shine in…

Vous pouvez télécharger la session en version mixée en cliquant ICI, ou en version zip avec les titres individuels en cliquant ICI.

TRACKLIST :

01 – OUVERTURE – Apocalypse Now Hommage
02 – SWING WEST – Fire
03 – PHET POTARAM – Koh Phuket
04 – KIM JUNG MI – Your Dream Like A Stream
05 – GENERATION – Nan Nan Pob Gan Tee
06 – THE FRESH FAILURES – Let The Sunshine In
07 – TANTI JOSEPHA – Kembali
08 – JUNG HYUN AND THE MEN – Beautiful Rivers And Mountains
09 – LILIS SURYANI – Genjer Genjer
10 – THE YOUNGERS – My Love My Love
11 – B. LAHIRI, A. KUMAR & S. PANDIT – Kya Jane Yeh Duniya
12 – SAN UL LIM – A Flower Has Bloomed
13 – PATTIE BERSAUDARA – Historia d’Amour
14 – SALAK SILATHONG – Sung Nang
15 – YAMASUKI – KonoSamurai
16 – LILIS SURYANI – Sjair Lagumu
17 – KABUAN GARN YOR YOD YUNG YONG – Gang Geng Nai Krai Lab
18 – KIM JUNG MI – Ga Na Da Ra Ma Ba
19 – JUNG HYUN AND THE MEN – The Evening Sun
20 – THE JAPANESE CAST OF HAIR – Aquarius

Serious Bizness – For Your Immediate Attention ! (Folkway Records – 1982)

Attention, disque rare et précieux, que je n’hésite pas à classer dès à présent dans mon top 3 de l’année, voire un peu plus…

J’ai fait cette découverte au détour de mes abonnements sur YouTube, où de plus en plus de collectionneurs de raretés groove y exposent leurs joyaux. Ainsi, je suis tombé au hasard de mes recherches sur cette perle qu’est le titre « Sahel » et que je me suis empressé de poster sur ma page Facebook.

Serious Bizness pourrait être le nom d’un groupe de hip hop west coast actuel, mais il s’agit au contraire d’un duo de deux amateurs de folk souple et acoustique : Jaribu et Ngoma Hill.

Il y a pourtant un point qui pourrait les rapprocher du hip hop originel : la critique sociale et le côté underground. Car ce duo folk de choc, comme son nom ‘lindique très justement, n’est pas là pour vous balancer du flower power à la guimauve, mais au contraire pour envoyer du lourd, du « serious bizness ». En l’occurence vous alerter et vous brusquer avec seulement une guitare et deux voix sur les sujets de l’époque : la faim au Sahel, les multinationales florissantes qui multiplient plus facilement les profits que l’emploi, la lutte contre la prolifération nucléaire, la justice sociale, etc…

Le plus étonnant, au delà d’une musique qui parle juste et vise droit au coeur, c’est l’étrange actualité de leurs différents titres. Depuis 18 ans, et malgré une crise inédite, il semble que leurs voix et leur musique ne soient pas encore parvenues jsuqu’aux oreilles de nos dirigeants : raison de plus pour écouter et diffuser largement autour de vous leur message.

Voici quelques titres pour vous prouver la beauté et l’efficacité désarmante de leurs compositions. Si, comme pour moi, les bras vous en tombent à l’écoute de ce duo injustement méconnu, n’hésitez pas à vous jeter sur leurs deux albums (« For your immediate attention ! » et « How many more ? ») disponible sur l’excellent site Qobuz.com que j’ai découvert à l’occasion.

Plus globalement, je vous invite à découvrir la richesse incroyable du catalogue de leur label Folkways Records, une branche de la célébrissime Smithsonian Institution : on y croise de la musique indienne traditionnelle, le Pierre Boulez US, du jazz pour les enfants, des exercices de diction et autres curiosités. Une vraie mine.

[audio:z – Serious Bizness – Sahel.mp3] [audio:z – Serious Bizness – Registration.mp3] [audio:z – Serious Bizness – Serious Bizness.mp3]