Avis de tempête sur le reggae en France

Après l’annulation retentissante de la tournée de Capleton début juin, les concerts estivaux ayant pour tête d’affiche Sizzla sont systématiquement annulés, tels des dominos qui tombent les uns après les autres.

La raison ? Plusieurs plaintes d’associations de défense des intérêts gays et lesbiens qui accusent ces deux artistes, les plus en vus actuellement sur la scène jamaïcaine, de continuer à chanter des titres dont certaines paroles sont ouvertement homophobes.

Il n’est pas question ici de remettre en cause le fait que les propos homophobes sont malheureusement une constante dans l’histoire de la musique jamaïcaine. Mais la vérité n’est pourtant jamais aussi simple que l’on voudrait qu’elle paraisse.

Les associations gays et lesbiennes ont vite compris qu’après un long et infructueux combat sur le fond du problème (les paroles), il fallait maintenant passer à une vitesse supérieure et taper là où ça fait mal, à savoir le portefeuille – bien garni – des chanteurs, en menaçant de faire annuler des concerts si lucratifs.

Les producteurs et les maisons de disque ont tout aussi vite compris la menace que cette pression pourrait représenter pour eux et leurs artistes. Un accord a donc été trouvé en janvier dernier entre les principales maisons de disques et des associations gays et lesbiennes, mettant fin à une longue crise ayant conduit à l’annulation d’une cinquantaine de concerts.

Alors qu’on pensait la crise passée depuis cet accord, une association française (Inter-LGBT) a décidé de maintenir le rapport de force, malgré le compromis trouvé précédemment entre tous les partenaires, et demande maintenant le retrait pur et simple du commerce de tous les titres concernés. Résultat : des dizaines de concerts et festivals annulés en France depuis le printemps.

Le problème, c’est qu’au nom d’une position jusqu’au-boutiste dommageable, le reggae-dancehall entre en France par la mauvaise porte : celle des bad boys, des appels au meurtre, et de l’outrage. Cette mystification masque toute l’énergie positive, l’étonnante vigueur musicale, la prolongation d’un discours politique engagé, bref toute la substantifique moelle de cette musique.

S’il ne faut pas laisser dire tout et n’importe quoi sur une scène, il faut également éviter de diaboliser à outrance des artistes qui remplissent tout de même Bercy ou le Zénith, et dont le public, qui n’est pas complètement abruti, est capable de discerner la sincérité de l’exagération.

 

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