Depuis la sortie du dernier film de Jim Jarmusch, « Broken Flowers », et de sa bande-son pointue, la musique éthiopienne est à la mode dans les milieux chics et intellectuels…On y redécouvre une musique ancestrale et moderne à la fois, qui par son sens de la gamme pentatonique, exalte la méditation et le recueillement.
S’extasier sur les trois titres de Mulatu Astatke qui figurent sur cette bande-son, c’est bien joli, et si cela permet déjà de renflouer les poches des artistes concernés, ce sera déjà pas si mal. Mais c’est oublier bien vite que la scène éthiopienne contemporaine ce sont des milliers de groupes, autant de labels et d’artistes, qui ont révolutionné la façon même de jouer de la musique en une génération.
L’un de ces artistes cachés par les phénomènes Mulatu Astatke ou Mahmoud Ahmed, c’est Tlahoun Gessesse. Heureusement, la prodigieuse collection Ethiopiques du label Buda Musique nous permet de découvrir ce personnage, connu sous le surnom de « The Voice », c’est tout dire. Véritable icone nationale, il est considéré comme une véritable pop star.
Si le groove et le côté souvent funky des arrangements ne trompent pas (ils sont de Mulatu Astatke) et rappellent l’ébullition d’une période pré-Motown, et si la voix parfois mielleuse de Gessesse laissent parfois penser à quelques chansons d’amour, il ne faut pas s’y tromper : nous sommes dans un registre éminemment politique.
Enregistrés quelques années avant la fin du règne de Haile Selassie, beaucoup des titres de Gessesse ont été repris par des dissidents au pouvoir du Negus, souvent sans à son insu, entraînant leur interdiction dès leur diffusion et même à plusieurs reprises l’emprisonnement de son auteur.
Message à ceux qui ont aimé « Broken Flowers » : ne vous fiez pas aux apparences ; les nuances de la musique éthiopienne sont aussi nombreuses que celles des fleurs avant qu’elles ne se fânent…Alors plongez-vous sans compter dans la collection Ethiopiques et dans l’histoire de ce pays si riche culturellement et spirituellement.
A découvrir dans la Chongastyle’s Radio : Aykedashem Lebe, et son orgue fou furieux, et Beyet New Mengedu, avec son breakbeat jamesbrownien.