Le mythe Afro Blue, où comment une chanson entre dans l’histoire…

Lorsque, dans les années 20, le jeune Mongo Santamaria apprend à jouer des congas dans les cercles de Santéria de la Havane, se doute-t-il qu’il composera une quarantaine d’années plus tard l’une des chansons qui inspirera les plus grands artistes contemporains ?

C’est effectivement en 1959 que sort son second album sur le label Fantasy, intitulé sobrement « Mongo », et sur lequel figure une composition originale de près de 4 minutes : Afro Blue.

Ce titre devint très rapidement le succès de Mongo Santamaria et le fit connaître bien au-delà du cercle des fans de latin jazz. C’est ainsi qu’au tout début des années 60, John Coltrane, bluffé par la force du titre et son mélange de modernité musicale et de traditions africaines, décide de le reprendre en album, puis en live. Sa plus belle prestation fut très certainement un concert au Japon en 1966, où la chanson s’étira sur près de 38 minutes (!), avec des solos d’anthologie. Coltrane s’est tellement réapproprié le titre de Santamaria que certains amateurs de jazz restent persuadés qu’il en est le compositeur !

Mais Coltrane ne fut pas le seul à reprendre Afro Blue. Le site PRX recense (presque) toutes les versions existantes. Cela en fait déjà une dizaine mais la liste est nécessairement incomplète, tellement les variantes et les reprises sont nombreuses.

A noter qu’en 1960, Oscar Brown Jr. ajouta des paroles au titre sur son album Sin & Soul. Cette version est généralement la plus reprise : il faut avouer que le format chanté passe plus facilement sur une radio que la version de 38 minutes de Coltrane…

Voici une petite sélection des versions d’Afro Blue que je préfère :

DEE DEE BRIDGEWATER – Afro Blue : tiré de l’album Afro Blue (Trio Records – 1974)

MOMO WANDEL SOUMAH – Afro Blue : tiré de l’album Matchowé (Buda Musique – 1990)

HEIDI MARTIN FEAT. AARON WALKER – Blue Afro Blue : tiré de l’album Alone Together (1998)

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Last King Of Scotland – Original Soundtrack by Alex Heffes (Rounder – 2006)

Il y a deux bonnes raisons d’aller voir le film « Le Dernier Roi d’Ecosse » :

1 – Car c’est un excellent film, traitant d’un sujet rare (la vie d’un dictateur africain vécue de l’intérieur) et superbement interprété par un Forest Whitaker habité par son rôle.

2 – Car la bande son est réellement incroyable. C’est bien simple : je n’avais qu’une envie en regardant le film, c’était de me trémousser sur mon fauteuil !

Il faut dire que la production a mis le paquet : ils ont utilisé les trésors des meilleures compilations d’afro-beat et de groove 70’s du continent. Au menu : Tony Allen période Afrika’70, Hugh Masakela et surtout des titres issus des compilations AfroRock et Ghana Soundz.

Un seul conseil : courez vite voir le film, car si vous lisez ce blog, vous ne pourrez qu’apprécier l’originalité du scénario, de la mise en scène et sa complète adéquation avec la bande son. Un grand moment de plaisir.

Pour vous mettre l’eau à la bouche, voici trois titres phares de cette BO :

JINGO – Fever : tiré de la compilation Afro-Rock Volume 1 (Evolver Records – 2002)

OFU & THE BLACK COMPANY – Allah Wakbarr : tiré de la compilation Nigeria 70 (Strut – 2001)

TONY ALLEN PLAYS WITH AFRIKA’70 – Afro Disco Beat : tiré de la compilation African Disco (Nascente – 2003) et Racubah (Musicrama -1999) et en introduction du Chongamix #2 😉

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Heading In The Right Direction – Soul Jazz From Australia 1973-1977 (Luv N’ Haight – 1995)

Le label Luv N’ Haight est célèbre parmi les dénicheurs de sons rares comme étant une fabuleuse tête chercheuse de titres funky, soul et jazz plus obscurs les uns que les autres. Leurs compilations (Bay Area Funk, California Soul, Trippin The Grove Merchant…) sont des sources inépuisables de raretés et de samples potentiels.

Cette compilation, publiée en 1995, se concentre sur la scène australienne de 1973 à 1977. Je vous avoue que je ne m’y connaît guère en funk australien : je ne m’attarderai donc pas nécessairement sur la biographie de tel ou tel artiste, qui a sûrement du connaître une renommée locale, mais qui n’a vraisemblablement pas dépassé le détroit de Tasmanie…

Non, l’intérêt de ce disque est ailleurs.

Il réside dans le plaisir que procure l’écoute de ces titres venus des antipodes, dont certains auraient fort bien pu être composés et produit aux Etats-Unis. Une question se pose alors : pourquoi l’Australie n’a-t-elle plus rien produit de bien depuis ??? Et pourquoi l’ornithorynque n’est-il pas devenu le logo d’un label local ?

Je vous laisse méditer à ces interrogations philosophiques en écoutant les deux meilleurs titres de ce disque.

JOYCE HURLEY – Sunbath : ça commence par un groove à l’orgue et à la flute, puis une voix sensuelle vient envelopper les 5 minutes de ce titre jazz vocal splendide, digne des meilleurs albums de Black Jazz Records. A noter un très bon solo à 1:40.

THE DAVID MARTIN GROUP – Sambole : quelle claque ! Ca part comme une bossa, puis un break jazz bop et ça repart sur un rythme bossa. Le tout avec une partie de basse assez hallucinante. La dernière preuve connue d’une connexion directe entre Rio de Janeiro et Sydney…

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12 Inch Session #5

Cinquième édition de mes sessions 12 inch avec cette fois-ci de nouvelles découvertes mais aussi des têtes plus connues dans des versions rares. La session est disponible en cliquant ICI.

ROBERT EMANUEL & RANKING SIMEON – Jah Is My Light (Black Roots Records – 1982)

Si vous pensiez que l’on ne produisait plus de bon roots à partir de la fin des années 70, écoutez plutôt ce titre : méconnu, Robert Emanuel l’est très nettement. Talentueux, il l’est également et il le prouve par ses capacités vocales et mélodiques sur ce Jah Is My Light de 1982, qui accueille également Ranking Simeon, obscur DJ, qui fournit une prestation honnête, bien aidé par un riddim dévastateur qu’il chevauche avec une rigueur impressionnante.

JOHN HOLT – Youth Pon De Corner (Jah Guidance – 1982)

Tous les lecteurs de ce blog connaissent très certainement le fameux « Police In Helicopter » de John Holt, évoquant la lutte policière contre les exploitations de ganja par l’intermédiaire d’hélicoptères. Cette version 12 inch sortie sur le label Jah Guidance exploite intelligemment un riddim devenu culte en l’accompagnant de paroles in édites enregistrées par John Holt. A noter, la version dub qui utilise des effets d’écho intéressants sur la caisse claire.

LEE PERRY & MAX ROMEO & FULL EXPERIENCE – Disco Devil (Upsetter / Trojan 2003)

Le maître est dans la place ! On ne présente plus Lee Perry, encore moins Max Romeo. Mais quand les deux bossent ensemble, ça donne une version 12 inch exceptionnelle, et je pèse mes mots : d’un côté le riddim ultra classique « Chase The Devil » de Max Romeo, et de l’autre un Lee Perry qui démontre une nouvelle fois qu’il est l’un des plus grands à la table de mixage. Quand une version dépasse la qualité du titre original, c’et bien le signe que l’on est en face d’un hit incontestable.

Inauguration du nouveau blog !

Bonjour à tous,

Après trois ans d’existence, mon blog fait sa révolution ! Changement de plateforme d’hébergement, changement de graphisme, meilleure accessibilité des mixes et des 12 inch sessions, etc…

Mais, au-delà de ces changement sur la forme, cela marque surtout la continuité sur le fond : la recherche et la diffusion des musiques les plus rares et les plus obscures qui font battre le coeur des passionnés.

Ce blog continuera donc à promouvoir ces artistes, souvent méconnus, qui par leur production originale et leur talent exceptionnel ont contribué à élargir le champ de la découverte musicale.

Ce blog cherchera enfin à faire vivre cette parole d’Alan Lomax, devenue depuis quelque temps le slogan de ce blog : « Quand le monde entier s’ennuiera de la musique automatisée de clips diffusés en masse, nos descendants nous mépriseront d’avoir liquidé le meilleur de notre culture »

Merci à tous ceux qui suivent la vie de ce blog depuis trois ans et bienvenue à ceux qui le découvrent aujourd’hui.

Amicalement,

Chongastyle

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