La musique africaine contemporaine ne peut définitivement se résumer à ce concept, assez détestable il faut l’avouer, de « world music » : les lecteurs avertis de ce blog en sont, j’en suis sûr, convaincus. Mais afin de vous en persuader définitivement, je ne prendrai pour exemple que la richesse de la scène gambienne des années 70, à travers de deux groupes exceptionnelles : Ifang Bondi et Guelewar.
Au sommet de la gloire des Super Eagles de Gambie, au début des années 70, Badou Jobe et Paps Touray s’interrogent sur leur popularité, qui remet en cause leurs engagements militants panafricains. Ils décident alors de tout plaquer, le groupe, la célébrité et la facilité pop, pour se replonger dans un bouillonnement musical, composé de leurs racines africaines et d’influences expérimentales extérieures. de ce bouillonnement jaillira en 1979 le premier album de leur nouvelle formation : Ifang Bondi (« Sois toi-même »). Un premier album militant, sans concessions et d’une incroyable richesse musicale.
L’histoire du groupe Guelewar Band of Banjul est encore plus obscure. Fondé par Baboucar Sadikh Dabo et Laye Ngom, cette formation a réussi le pari de s’émanciper très tôt des styles plébiscités à l’époque (la rumba et le highlife) pour tenter un mélange improbable de rythmes locaux et de rock psychédélique. Leurs positions politiques étaient encore plus affirmées qu’Ifang Bondi, puisqu’ils composèrent même un titre en l’honneur du président Dawda Jawara, leader historique de l’indépendance gambienne en 1965.
Si l’explosion de la scène sénégalaise et l’avènement du mbalax porté notamment par Youssou N’Dour ont éclipsé par la suite les artistes gambiens, la redécouverte de leur héritage prouve une nouvelle fois que l’expérimentation et la variété musicale n’étaient pas l’apanage des groupes occidentaux des 70’s. Et l’on se prend à rêver de ce qui aurait pu se produire si cette scène musicale, tout comme l’idéal panafricain, avaient abouti…
Un grand merci à Aduna pour les précieuses informations collectées et diffusées sur son blog. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous reporter aux très bonnes notes du coffret « Golden Afrique » (Network – 2005).
A découvrir dans la Chongastyle’s Radio : Saraba d’Ifang Bondi et Warteef Jiggeen de Guelewar Band of Banjul