Hits and Misses – Muhammed Ali and the Ultimate Sound of Fistfighting (Trikont – 2003)

On a tout dit sur le phénomène sportif Mohammed Ali : débute la boxe à 12 ans, obtient la médaille d’or aux Jeux Olympiques seulement dix ans plus tard, devient pour la première fois champion du monde à 22 ans, réalise le plus grand combat de tous les temps en 1974 à Kinshasa face à George Foreman, arrive à prédire le nombre de rounds qui lui seront nécessaire pour battre son adversaire, etc…

On a également tout écrit sur le phénomène politique Mohammed Ali : rejoint la Nation of Islam, refuse son service militaire au Vietnam, soutient ouvertement le mouvement des droits civiques aux côtés de Malcom X, etc…

Mais au-delà de sa biographie, Ali est devenu une véritable icône moderne, dépassant tous les clivages, toutes les catégories existantes et tous les continents. Cette compilation du label bavarois Trikont lui rend un hommage musical particulièrement original : en combinant des titres funk, soul, reggae, pop et même calypso, elle démontre l’énorme popularité du personnage. Rares sont ceux, en effet, qui aurant autant marqué l’imaginaire collectif au XXème siècle.

Cela démontre surtout qu’au-delà de son seul sport, Mohammed Ali est un véritable artiste : maître dans l’art de la petite phrase (« Danse comme un papillon, pique comme une abeille »), sa préparation médiatisée et tendue avant chaque match en faisait des moments épiques, où il pouvait exprimer son talent et sa finesse.

  • TRIO MADJESI – 8ème Round : ce fameux huitième round qui a vu Ali reprendre le dessus sur Foreman à Kinshasa et mis en musique par l’un des orchestres congolais les plus en vue à l’époque. En cadeau, un petit supplément 😉
  • DON COVAY – Rumble In The Jungle : un titre moite et funky à souhait par le compositeur du hit Chain of Fools.
  • ORCHESTRE G.O. MALEBO – Foreman Ali Welcome to Kinshasa : de loin mon titre favori de cette compilation ; des cuivres rieurs, des parties vocales harmonieuses et un brin de second degré font de cette chanson un vrai délice ! A noter le solo de guitare et les « jump jump » vers la fin…

Pour aller plus loin :

  • Un extrait du magnifique documentaire When We Were Kings sur le combat titanesque contre Foreman en 1974 ;
  • Le livre de Norman Mailer (Le combat du siècle) qui retrace toute la tension et l’ambiance extraordinaire qui a précédé le match de Kinshasa

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Vous avez dit slam ?

Alors qu’à Paris et dans le reste de la France on ne cesse de s’extasier devant l’explosion médiatique de la scène slam, à la tête de laquelle le discutable Grand Corps Malade a été projetté, on oublie bien vite les origines et la signification de ce mouvement culturel.

Dans sa forme moderne, le slam naît au milieu des années 80, à Chicago. Mais le slam n’est qu’une des nombreuses ramifications d’une longue tradition de spoken word et de récit oral, qui remonte quasiment jusqu’à l’origine du langage. De tous temps, l’homme a eu besoin d’exprimer ses sentiments, ses idées, ses convictions devant une assemblée.

Ce que le slam apporte en plus, c’est un happening poétique, live, et sans cadre défini. Le slam apporte également un décloisonnement total des arts : hip hop, sampling, cinéma (Slam de Marc Levin en 1997), musique électronique, expérimentations sonores et visuelles…De fait, il contribue à casser les codes classiques qui régissent la poésie, au sens littéraire du terme.

Mais la réelle valeur ajoutée du slam, c’est sa capacité critique et constestataire. De même que les artistes qui ont popularisé le spoken word dans les 60’s-70’s (Gil Scott-Heron, Last Poets, etc…), aucun sujet n’est tabou dans le slam, et on appuye souvent là où ça fait mal : par exemple, le « Not in our name » de Saul Williams, en plein guerre d’Irak. A ce titre, le slam est un véritable contre-pouvoir à taille humaine.

C’est pour toute ces raisons que la frénésie médiatique autour de Grand Corps Malade me pose un problème : un mouvement contestataire, une pratique « live » et par essence libre peuvent-ils survivre à une déferlante médiatique et commerciale qui, par nature, est réductrice et simplificatrice ? Par ailleurs, je dois l’avouer, je trouve l’album de Grand Corps Malade très pauvre : ni sa voix monocorde, ni ses thèmes d’une grande platitude ne me semblent devoir retenir l’attention. S’il représente l’avenir du slam français, on est mal barrés…

Je vous propose donc un sélection de vrais slammeurs, avec de vrais morceaux de musique et d’idées dedans :

  • THE LAST POETS – Black People What Y’all Gon’ Do ? (1971 – Metrotone) : les voix du mouvement des droits civiques, les ancêtres du rap, les propagateurs du spoken word, bref ils sont incontournables.
  • BAMA THE VILLAGE POET – The Right To Be Wrong (1974 – Chess) : contemporain de Gil Scott-Heron, auteur d’un unique album produit par le prestigieux label chicagoan Chess Records, samplé par DJ Shadow et Pete Rock, accompagné par Bernard Purdie, Bama nous propose ici un titre dense, sur un fond de rythme cardiaque déstabilisant…Etonnant.
  • PROGRAMME – Demain et La Salle De Jeux Et La Peur (2000 – Lithium) : avant que l’on commence véritablement à parler de slam en France, il y avait Programme. Damien Bétous et l’ex-Diabologum Arnaud Michniak ont sorti l’un des disques les plus déroutants de ces dix dernières années : musique minimaliste et expérimentale, paroles rageuses scandées au micro, thèmes dérangeants, textes surréalistes. Attention : dès que vous aurez écouté cela, vous ne serez définitivement plus le même…

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12 inch Session #4

Quatrième épisode de mes sessions 12 inch, avec aujourd’hui une sélection particulièrement chargée : des riddims classiques, des pointures vocales, des DJ mix aussi percutants qu’un direct de Mohammed Ali et des productions toujours aussi magnifiques. Back to the original rude boy sound, voici le set 12 inch de la rentrée !

Vous pouvez télécharger la session en cliquant ICI.

  • On commence par CALMAN SCOTT & JAH HUGH et leur Devil In The City (1979 – GG Records). Produit par Alvin Ranglin, ce titre permet de (re)découvrir un Calman Scott à la voix puissante et un Jah Hugh particulièrement bien posé sur un riddim méconnu.
  • On enchaîne avec EARL 16 & MIKEY DREAD avec leur African Tribesman + Butter ‘Gainst The Sun sorti en 1980 sur le label Suferrer Heights. Riddim classique parmi les classiques, superbe avec ses effets venus d’outre tombe, un Earl 16 au sommet de son art vocal et enfin un Mikey Dread qui casse tout avec une version DJ bien sentie sur un mix dub calibré pour lui. Du grand art…
  • On finit avec HORACE ANDY ET UN DJ INCONNU avec une version extended de son magnifique Lonely Woman (197X – Charmers Records). Produit par Ronnie Virgo et Derrick Harriot, cette version 12 inch révèle un DJ non crédité et je vous avoue que je sèche : qui se cache derrière cette prestation qui, par ailleurs est vraiment bonne ? J’aurais tendance à dire Clint Eastwood, pour sa tendance à rouler les « r ». Si vous avez la réponse, laissez moi un commentaire ou un message via mon mail.

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The Vibe ! – The Ultimate Rare Grooves Series – 10 CD (BMG – 2004)

Alors que l’exercice de la compilation de « rare grooves » est généralement réservé à nos amis britanniques ou américains, cette série de 10 disques produits par BMG et soigneusement sélectionné par notre compatriote Manu Boubli est une excellente occasion d’être un peu chauvin !

Manu Boubli, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, est un touche-à-tout : DJ, responsabe de label (Comet Records et Mind avec Doctor L), animateur de radio (France Inter), fournisseur de mixes pour le site Paris DJ, etc…Avec DJouls, Loïk Dury Grant Phabao et beaucoup d’autres, il anime les nuits parisiennes et le milieu des fans de soul, funk, jazz et de rare grooves.

La série The Vibe ! est incroyablement riche et dense en raretés sonores et éminemment recommandable à tous les lecteurs de ce blog. Sélections des prestigieux catalogues BMG (RCA, Flying Dutchman, Arista, etc…), la série couvre aussi bien le funk rugueux des 70’s que la samba, le free jazz, le jazz modal et les rythmes afro-cubains.

Accompagné d’un livret particulièrement bien documenté et d’un graphisme superbe, chaque CD est une invitation à découvrir des artistes méconnus (Guy Lafitte, Quintetto Basso-Valdambri, Oliver Nelson…) ou redécouvrir les raretés des plus grands (Gil Scott-Heron, Count Basie, Weldon Irvine, Art Blakey, Nina Simone…).

J’ai une petite préférence pour le volume 1 (« Hypnotic grooves, hard bop & modal jazz ») et le volume 7 (« Spiritual jazz, free speech & political grooves »), dont je vous livre ci-dessous deux pépites parmi tant d’autres.

  • Esther Marrow – Walk Tall (Baby That’s What I Need) : reprise diablement funky du standard de Joe Zawinul, membre du quintet de Cannonball Adderley, où les prouesses vocales d’Esther Marrow s’expriment largement.
  • Guy Lafitte Jazz Combo – Jambo : légende du jazz français, pionnier au sein du mythique festival de Marciac, Guy Lafitte nous livre ici un savoureux mélange de jazz classique et de rythmes afro.

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Pop & Psychédélisme en France

La musique pop française des années 60 a mauvaise réputation : mauvais mélange entre rock édulcoré et mouvement hippie naissant, elle s’est bien souvent résumée au réducteur yéyé et à Salut les Copains…

C’est oublier bien vite les groupes et artistes multiples qui, tout en s’inscrivant dans ce courant pop, évoluaient souvent dans les franges les plus expérimentales. Ce grand écart musical s’accompagnait bien souvent de discours politisés, iconoclastes, ou poétiques, pour ne pas dire complètement barrés !

Lorsque l’on dépasse les orchestrations qui ont mal vieilli, une approche rythmique parfois approximative et un sens du kitsch volontairement outré, on découvre alors la richesse incroyable et la force de certains titres qui sont restés longtemps inconnus. Cela vaut d’autant plus pour les artistes qui ont connu la renommée pendant ou souvent après la période yéyé : Jacques Dutronc, Nino Ferrer, Serge Gainsbourg…

Pour mieux découvrir cette période, je vous propose une petite sélection de titres :

  • NINO FERRER – Mao et Moa (1967) : chanson exceptionnelle, tant par son breakbeat, sa basse et son petit orgue entêtant, mais surtout par son texte grandiose d’ironie grâce aux innombrables jeux de mots sur Mao. Je vous laisse méditer l’extrait suivant : « Dans tous les bouges Moa je bois des Quarts de rouge / Le quart de rouge c’est la boisson du garde rouge »
  • NORMAND FRECHETTE & LES HOU-LOPS – J’étudie mon grec (1967) : attention, 12ème degré ! Autant l’instrumental décape, avec même un break free en fin de morceau, mais les paroles…Respect pour celui qui arrive à faire rimer « Et tu cours les discothèques / Moi j’étudie mon grec » et « Je déteste le métro et les révolutions / Mais j’adore les bistros et le bal à l’accordéon »…
  • LES PROBLEMES feat. ANTOINE – Dodécaphonie (1966) : avant de faire des pubs pour Atoll, Antoine chantait ; et au début de sa carrière de chanteur, au moment des « Elécubrations », il chantait même dans un groupe dénommé Les Problèmes avec lesquels il réalisa ce titre au psychédélisme assumé et au snobisme tellement délicieux que ça en devient un régal : « Aimer Katchatourian, ça fait dément mais c’est décadent / On vit l’ère atomique vive la musique dodécaphonique »
  • JEAN YANNE – Pétrole Pop (1973) : tiré de la bande originale du film « Moi y’en a vouloir des sous » (sic), ce titre est une parodie des bandes son des films érotiques à la sauce orientale ; rétrospectivement, le thème est diablement d’actualité : « Pour un homme qui a du pétrole, je flambe / Je ferais n’importe quoi pour du pétrole »

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