Easy Star All Stars – Radiodread (Easy Star Records – 2006)

Quoi ? Un album de reprises reggae du OK Computer de Radiohead ? Non mais c’est une blague ??? Je vous avoue que moi-même je n’y ai pas cru : c’est trop gros, trop incroyable, trop…trop !

Et puis j’ai découvert que c’était bien vrai et que l’album devait sortir courant août 2006. Chose rassurante, ce sont les Easy Star All Stars qui se sont chargés de l’adaptation. Rassurant, car je connaissais déjà leur impressionnant travail de reprise du Dark Side Of The Moon des Pink Floyd, sorti en 2005 sur le label Easy Star Records. Plus que des reprises, ils proposaient alors une véritable réinvention du son Pink Floyd tout en garantissant le respect des thèmes originaux.

Concernant Radiohead, je me demandais toutefois ce que ça pouvait donner…Eh bien, je suis servi. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, ce ne sont pas les titres phares qui sont forcément les plus réussis : ainsi, malgré une production (trop ?) carrée, les versions de Karma Police et de No Surprises restent assez proches des titres originaux.

En réalité, ce sont surtout les titres plus obscurs qui bénéficient du traitement le plus intéressant : pour preuve, le Climbing Up The Walls avec ses cuivres titanesques en intro et la superbe voix de Tamar-Kali, mais aussi le Exit Music (For A Film) avec une très grande prestation de Sugar Minott, qui retrouve ses vingt ans et sa voix de lover.

Au final, ce n’est pas grâce au reggae et à un soit-disant message universel que ce disque se démarque, mais bien grâce à l’important travail de production et au talent des invités. Paradoxalement, c’est aussi le point faible du projet. Car si la recette a fonctionné pour Pink Floyd et fonctionne encore pour Radiohead, il serait hasardeux de la multiplier à l’infini : l’auditeur pourrait bien trouver les ficelles un peu grosses ou sérieusement élimées…

radiodread

Chongamix #4 – Free Jazz Black Power

Avant de prendre des vacances estivales bien méritées, je vous laisse avec un mix jazz qui combine les plus grands (Coltrane) et les plus obscurs (Mtume & The Umoja Ensemble), du free radical (Albert Ayler) et du jazz vocal (Doug Carn & Jean Carn), de la fusion expérimentale (Herbie Hancock) et un retour aux racines africaines (Lateef, Weston et Adderley).

Alors que le marketing l’a progressivement transformé en une musique prétendument hermétique, intellectuelle et sophistiquée, le jazz, tel qu’il est interprété par les virtuoses réunis dans ce mix, reste un style populaire, profondément ancré dans ses racines africaines.

Bonne écoute à tous, bonnes vacances et à très bientôt sur le blog.

Le mix peut être téléchargé ICI.

La tracklist est la suivante :

01 – YUSEF LATEEF – Juba Juba
02 – RANDY WESTON – African Cook Book
03 – NAT ADDERLEY – Obeah
04 – JOHN COLTRANE – Afro Blue
05 – ARCHIE SHEPP – Blasé
06 – DUKE PEARSON – The Fakir
07 – SAM MOST – Jungle Fantasy
08 – MTUME & THE UMOJA ENSEMBLE – Utamu
09 – DONALD BYRD – Elijah
10 – ALBERT AYLER – Music Is The Healing Force Of The Universe
11 – RANDY WESTON – Marrakech Blues
12 – HERBIE HANCOCK – Hidden Shadows
13 – JOE HENDERSON – Power To The People
14 – DOUG CARN – God Is One
15 – DOUG CARN & JEAN CARN – Power & Glory
16 – BYRON MORRIS & UNITY – Kitty Bey
17 – WELDON IRVINE – Time Capsule
18 – JAMES MOODY – Heritage Hum
19 – ALICE COLTRANE – Stopover Bombay
20 – THE AWAKENING – Mode For D.D.
21 – JAMES HEATH (AKA MTUME) – Saïs

Tunde Williams Play With The Afrika 70 – Mr Big Mouth / Lekan Animashaun & Africa 70 – Low Profile (Honest Jons Records – 2004)

L’héritage musical du Roi Fela Kuti a souvent été incarné par sa propre progéniture, en la personne de Femi et de Seun, et, plus rarement, par certains de ses musiciens les plus talentueux, dont son batteur Tony Allen. Mais rares sont ceux qui connaissent l’existence et la richesse des excursions solo des autres membres des groupes successifs de Fela (Koola Lobitos, Afrika 70, Egypt 80)

Entre 1963 et 1997, plusieurs dizaines d’artistes plus talentueux les uns que les autres ont joué avec les Afrika 70. Par leur virtuosité technique et leur feeling musical, ils méritent autant que Fela la paternité de ce fameux son afrobeat, né dans les ghettos de Lagos. Pourtant peu d’entre eux ont enregistré leurs propres productions, et ils sont encore moins nombreux à avoir acquis une notoriété en dehors du Nigéria.

Heureusement, Honest Jons Records (le label de l’ex-Blur Damon Albarn) a réédité en 2004 deux des albums produits par des membres d’Afrika 70 : Tunde Williams (trompette) et Leka Animashaun (sax baryton). La diffusion de ces productions a souvent fait l’objet d’âpres négociations entre Fela et les maisons de disques, ce qui décalait souvent la sortie de l’album plusieurs années après la date d’enregistrement. Parfois, les enregistrements n’étaient même diffusés, faute d’accord entre les parties.

Même s’il s’agit d’efforts solo, la patte de Fela et du reste de son groupe est particulièrement sensible. Le son est par conséquent un condensé d’afrobeat, au plus fort de la période créatrice de Fela (1977-1979) : titre de plus de 10 minutes, intro qui s’étendent à l’infini, ponctuées de touches de sax percutantes, puis c’est l’entrée en scène du chant, dont les paroles sont souvent répétées en boucle, dans une transe rythmique.

Comme l’indiquent les notes du livret, il reste encore beaucoup de productions de Fela à rééditer : les enregistrements des Koola Lobitos sur la période 1965-1969, le concert de Berlin en 1978, une grande partie des enregistrements de la période Egypt 80, etc…Mais ces rééditions de Tunde Williams et Lekan Animashaun préfigurent le début de cet important travail de prolongation de l’héritage musical de Fela, désormais incarné physiquement par ses fils, mais dont la richesse reste encore à découvrir.

tundewilliams_mrbigmouth_blekananimashaun_20_lowprofile_b

Welcome To The Newsroom – Raw & Funky Collection From San Francisco Bay Area 1970-1976 (7 Bridges – 2002)

Cette compilation est peut être l’un des meilleurs hommages qui pouvait être rendu à la scène funk de San Francisco dans les années 70.

La première raison, c’est que la totalité des titres présentés ici n’ont jamais été diffusés commercialement : après 25 ans de sommeil dans des garages californiens, les enregistrements originaux ont été rachetés par les passionnés du label 7 Bridges. La deuxième raison, c’est que le travail de restauration a été très important : la plupart des bandes étaient mal conservées et commençaient progressivement à se détruire.

Les groupes qui figurent sur cette compilation ne vous diront sûrement rien : The Electric Church, Plight, Paul Tillman Smith, etc… Et pour cause : malgré leur qualité et leur potentiel musical, la réputation de ces groupes ne dépassa jamais les limites de la ville de San Francisco.

Comme l’indique les quelques (rares) notes du livret, et malgré la médiocre qualité sonore due à l’état des bandes originales, l’esprit funk souffle sur chacun des titres de ce disque : et rien que pour cela, et pour soutenir le travail de mémoire des passionnés de 7 Bridges, ce disque mérite toute l’attention des amateurs de raretés 70’s.

Electric Church – We Had A Love

Paul T. Smith – Ready To Live Raw Funk

welcometothenewsroom

Gnarls Barkley ou l’Art du Sampling

Vous connaissez forcément le titre « Crazy » de Gnarls Barkley : tout le monde en parle, le titre est resté quinze semaines en tête des classements, les prestations live du groupe sont toujours très remarquées (notamment lorsqu’ils sont apparus déguisés en héros de Star Wars pendant les MTV Music Awards 2006), bref le buzz est énorme.

Le duo est composé de Cee-Lo, du groupe d’Atlanta Goodie Mob, et de l’excellent Danger Mouse, célèbre pour son Grey Album, remix du Black Album de Jay-Z avec des samples du White Album des Beatles, et plus récemment pour son duo avec MF Doom (aka Mad Villain).

Comme beaucoup de lecteurs de ce blog le savent déjà, j’apprécie hautement le travail de crate diggin’ (la recherche de vinyls rares) et de sampling que certains artistes hip hop élèvent au rang de véritable art. Je dois avouer qu’avec Gnarls Barkley, je suis servi…

De nombreux blogs ont repéré le sample de base du single Crazy. Il s’agit d’un extrait d’une bande son d’un western spaghetti intitulé Preparati la Bara !. Le titre en question, Nel Cimitero di Tuscon, date de 1968 et a été composé par Gian Piero and Gianfranco Reverberi. Si le choix de ce sample a été particulièrement judicieux, la ressemblance avec Crazy reste malgré tout évidente.

A l’inverse, en écoutant hier soir un autre titre de leur album, Storm Coming, j’ai cru reconnaître un sample bien caché au début du morceau et à l’arrière du déferlement de breakbeats. En y réfléchissant un peu plus longuement, j’ai enfin retrouvé l’origine de ce sample qui ne m’était pas étranger. Il s’agit ni plus ni moins que d’un titre de K. Frimpong & His Cubano Fiestas, Kyenkyen Bi Adi M’Awu. Cet artiste est bien connu des lecteurs de ce blog et des heureux possesseurs des compilations Ghana Soundz, où il apparaît grâce au titre Hwehwe Mu Na Yi Wo Mpena.

Cette modeste découverte me conforte dans l’idée que les artistes de hip hop ont un rôle exceptionnel à jouer dans la résurgence et le renouvellement continuel des musiques contemporaines. Sans ce travail qui mèle à la fois hommage et créativité, aucun défrichement moderne ne serait possible. A ce titre, l’album de Gnarls Barkley est très certainement aussi expérimental que populaire. Seuls les plus grands artistes arrivent à combiner ces deux voies souvent opposées et à susciter un engouement général aussi rapidement. Gageons que Gnarls Barkley n’en est qu’à ses débuts…

Gnarls_20Barkleygnarlsbarkley