Iranian Grooves (Part 1) : Abbas Mehrpouya – Ghayeghran (197x?)

Après une absence de quelques semaines, Chongastyle est de retour parmi vous avec une série de grooves orientaux directement issus des plus obscures réserves de vinyls d’Iran.

Première partie de cette découverte musicale avec l’une des figures tutélaires de la musique iranienne des années 70 : Abbas Mehrpouya.

Mehrpouya est l’un des guitaristes, joueurs de sitar et compositeurs iraniens qui a le plus marqué la musique contemporaine de ce pays des années 40 aux années 70.

Il a constamment innové en proposant une musique à la fois mélancolique et enjouée, spirituelle et groovy, mêlant des influences traditionnelles perses aux rythmes indiens, funk, jazz voire free jazz.

Ses enregistrements sont paradoxalement aussi rares que l’homme est célèbre dans son pays. Peu d’informations sont d’ailleurs disponibles sur le net sur cet artiste, sauf si vous savez lire le farsi…

La compilation Ghayeghran regroupe une dizaine de titres où il est au sommet de son art de composition et d’interprétation. Vous passez d’un titre cha cha cha à un morceau plus expérimental, en revenant à des titres plus contemplatifs laissant la part belle aux percussions et au sitar.

Fan de crate-digging exotique, voici de quoi assouvir votre passion…(attention, la qualité n’est pas top, mais quand c’est rare, on ne s’arrête pas à cela…)

[audio:z – Mehrpouya – Ghabileye Man.mp3]
  • ABBAS MEHRPOUYA – Aseman Mygeriad Emshab : un morceau qui débute par une reprise de la Toccata de Bach par un sitar, un orgue déglingué et une flute perdue dans les profondeurs du désert, moi j’adore. Très contemplatif et envoûtant.
[audio:z – Mehrpouya – Aseman Migeryad Emshab.mp3]
  • ABBAS MEHRPOUYA – Ghoroobe Paaiz : ça commence comme une samba avec un riff de guitare entraînant et ça part ensuite en chant perse avec une clarinette haut perché, c’est bluffant…
[audio:z – Mehrpouya – Ghorobe Paaiz.mp3]

Staff Benda Bilili – Très Très Fort (Crammed Discs – 2009)

Voilà une découverte étonnante sur le talentueux label belge Crammed Discs, qui avait déjà démontré ses capacités de défrichage de la scène congolaise actuelle en découvrant et produisant les prodigieux Konono n°1.

Cette fois-ci, il s’agit d’un autre groupe congolais qui est mis en avant et aucune chance que vous les ayez entendu ailleurs car il s’agit de leur premier album. Le Staff Benda Bilili est un groupe originaire de Kinshasa, une sorte d’armée mexicaine des temps modernes, composée de personnes handicapées et d’enfants de la rue.

Ils se déplacent sur des motos et des vélos astucieusement aménagés pour compenser leur handicap, bidouillent des amplis et des guitares vétustes, inventent même de nouveaux instruments, dorment à la belle étoile dans le parc zoologique de Kinshasa et démontrent, par leur musique, que leur handicap ou leur situation sociale ne sont pas des obstacles.

« Benda Bilili » signifie en effet « Regarde au-delà » en lingala. Et cela ne s’applique pas uniquement à leur handicap ou leur condition sociale, mais surtout à leur musique qui voit bien au-delà des limites traditionnelles. En mêlant rumba congolaise, funk à la James Brown, reggae, rythm’n blues et musique cubaine, leur style est une combinaison improbable et acoustique qui groove comme jamais.

Même si ce disque est leur premier véritable album, le Staff avait déjà marqué les esprits en 2006, lorsque l’un de leurs titres « Allons voter » a été utilisé par la représentation locale des Nations Unies (MONUC) dans le cadre d’une campagne en faveur des premières élections libres depuis 1960. Malheureusement, la MONUC a « oublié » de créditer et rétribuer le Staff pour l’utilisation de leur chanson…Le Staff a décidé de ne pas en rester là et a poursuivi l’ONU en justice, réclamant 100 000 $ de droits d’auteurs. Selon que vous serez puissant ou misérable…

Alors que nous sommes tous concentrés sur une crise économique mondiale, cet album est d’une fraîcheur et d’un espoir exceptionnels. Il donne envie de rejoindre le Staff à Kinshasa et de taper le boeuf dans la moiteur d’une fin de journée, avec l’insouciance et l’énergie de ceux qui n’ont plus rien à perdre…et donc tout à gagner.

[audio:z – staff benda bilili – sala mosala.mp3] [audio:z – staff benda bilili – avramandole.mp3] [audio:z – staff benda bilili – staff benda bilili.mp3]

Mulatu Astatke & The Heliocentrics – Inspiration & Information (Strut – 2009)

Le label Strut a encore frappé un grand coup. Non contents de produire déjà la crème de la crème des compilations (Lagos 70’s, Calypsoul, etc…), ils se sont lancés depuis environ un an dans un projet aussi dantesque qu’ambitieux : permettre à de jeunes talents actuels de faire un album avec leurs idoles musicales.

La série Inspiration & Information a ainsi déjà permis à Amp Fiddler de rencontrer les mythiques Sly & Robbie et à Ashley Beedle de croiser le fer avec le falsetto intemporel du génial Horace Andy.

Si l’exercice est loin d’être facile et les croisements d’influence souvent créateurs de sons hybrides plus ou moins heureux, le troisième volume de cette série risque fort de démentir la régle.

Puisant dans le revival du jazz éthiopien initié par la magnifique série de compilations Ethiopiques du label français Buda, Strut a décidé de faire se rencontrer le Negus du genre, Mulatu Astaske, et un combo éclectique dénommé The Heliocentrics.

On ne présente plus Mulatu Astatke. Avec Mahmoud Ahmed, il représente ce que la musique éthiopienne a produit de plus enivrant et hypnotique, mêlant une culture musicale ancestrale à des influences groovy, jazz et rock. Premier étudiant africain ayant intégré le célèbre Berklee Music College, il parfait sa découverte des musiques contemporaines grâce à plusieurs années d’études à Londres, Boston et New-York. Revenu en Ethiopie, il n’a de cesse de croiser les influences en contribuant à la richesse de la scène musicale locale qui se développe dans les années 60 et 70. Grâce au film Broken Flowers de Jim Jarmusch, il revient sur le devant de la scène et de nouvelles opportunités de concerts et de productions se présentent à nouveau à lui.

C’est ainsi que la renconte avec The Heliocentrics s’est faite. The Heliocentrics, c’est une sorte de big band à forme souple, qui englobe tous les musiciens qui gravitent dans la sphère des labels Stones Throw et Now Again. On y retrouve Malcom Catto, vétéran de l’écurie Mo’Wax et génial batteur des productions les plus abouties de DJ Shadow, Madlib et The Herbaliser. On y trouve également un joueur d’oud, de guitare thaïe (?) et un certain Jack Yglesias qui joue du santur, une sorte de cithare trapézoïdale à 72 cordes…C’est vous dire l’éclectisme du groupe : on y croise Ennio Morricone, James Brown et David Axelrod dans un joyeux délire d’avant-garde jazz mêlant spiritualité et musiques ethniques.

Le résultat est un disque absolument magnifique. Il permet non seulement de rendre à Mulatu Astatke un hommage pour l’ensemble de son oeuvre, reconnaissant ainsi l’énorme influence qu’il a eu, au-delà même des frontières d’Addis Abeba. Il permet surtout de montrer la vitalité et la créativité d’une musique croisant les influences aussi improbables que des beats de batterie hip hop, un sax brodant sur une mélodie orientalisante et un piano jazzy. C’est groovy, c’est frais, ça ne sent pas le revival moisi, c’est dansant et c’est encore sacrément à l’avant-garde…

A ne pas rater le 11 avril prochain, à partir de 20h au Nouveau Casino, à Paris : plus d’informations ici.

[audio:z – mulatu astatke and heliocentrics – an epic story.mp3] [audio:z – mulatu astatke and heliocentrics – masengo.mp3]

En bonus, deux vidéos du concert au Cargo à Londres en avril 2008, histoire de vous mettre l’eau à la bouche avant le Nouveau Casino : en tout cas, moi j’y serai !!!

12 Inch Session #11 – Strictly Rub-A-Dub Stylee

Suite des épisodes des sessions 12 inch, avec au programme cette fois-ci du lourd de chez lourd version rub-a-dub avec une tranche de roots au milieu…Du bon son pour vous réchauffer les pieds sur le dance floor !

La session peut être téléchargée en cliquant ICI.

  • LEROY SMART & I ROY – Jah Is My Light (Observer – 1977) [00:00>07:58]: une combinaison énorme entre une pointure du roots et une star des DJs sur un riddim syncopé terriblement efficace.
  • ROCKERS ALL STARS – Eastman Sound (Rockers – 1978) [07:58>15:57] : un instrumental contemplatif décomposé en trois parties alternant un piano lunaire, le melodica mythique d’Augustus Pablo et un orgue déglingué. Du grand art.
  • LITLLE JOHN & BILLY BOYO – Janet Sinclair (Greensleeves – 1982) [15:57>21:21] : sur le riddim de « Love Is Universal » de Johnny Osbourne, une version monumentale dans le plus pur style Greensleeves (grosse basse et batterie claquante), avec une version DJ de Billy Boyo tout simplement époustouflante.

Fred « Mississippi » Mc Dowell – First Recordings – The Alan Lomax Portrait Serie (Rounder reissue – 1997)

La vie de Fred Mc Dowell était écrite à l’avance. Né à Rossville, Mississipi, en 1905, il s’établit à Memphis à 20 ans pour occuper de multiples petits boulots manuels tels que poseurs de traverses dans une tonnellerie, ou ouvrier dans une usine de traitement de céréales.

Ses temps libres, il les passaient à animer des soirées et des bals grâce à une maîtrise exceptionnelle de la guitare bottleneck. Ils n’imaginaient pas en faire une carrière, encore moins pouvoir enregistrer un jour un disque…

Jusqu’au jour où son chemin croisa celui de Shirley Collins et d’Alan Lomax, l’ethnomusicologue célèbre qui traversa les cinq continents pour enregistrer et graver pour l’histoire les musiques quotidiennes de nombreuses cultures, souvent disparues.

Face à cette découverte, Alan Lomax décide de pouvoir publier un disque à partir des enregistrements live de Fred Mc Dowell, accompagné de sa femme et de quelques amis, dans l’intimité de leur modeste maison.

C’est ainsi que la plus impropable des sessions de blues se déroula du 21 au 25 septembre 1959 à Como, Mississipi.

Ces enregistrements donnèrent lieu à un disque, réédité en CD par Rounder en 1997. On y retrouve l’âme du Grand Sud, des rythmes syncopés du Delta Blues aux rythmes plaintifs de la slide guitar. C’est sobre et violent à la fois, doux et rêche comme le sel d’une vie marquée par la chaleur, la tourbe et le vieil alcool de la Nouvelle Orléans. On y raconte aussi les déceptions d’une vie limitée par la ségrégation et l’absence de droits les plus élémentaires.

Par la suite, Fred Mc Dowell enregistra de nombreux disques, diversifiant son style grâce à des influences gospel et folk.

La chance – et la reconnaissance –  sourit enfin en 1971, quand les Rolling Stones reprirent son single « You Got To Move » sur leur album Sticky Fingers. Grâce aux généreuses royalties obtenues, il s’offrit son rêve : acheter une station service sur la Highway 61, route qui lui inspira de nombreuses compositions.

Malheureusement, il n’en profita que peu de temps, puisqu’un cancer l’emporta un an plus tard. Fred Mc Dowell est parti comme il était venu : sans faire parler de lui. Grâce au génie de ce grand découvreur de pépites qu’était Alan Lomax, il laisse en héritage une discographie impressionnante.

Moins célèbre que de nombreux bluesman du delta du Mississipi, comme Skip James ou Robert Johnson, il est pourtant une clé essentielle pour pénétrer et mieux comprendre la vie et la culture de ce Grand Sud si mystérieux et passionnant.

[audio:z – fred mcdowell – you done told everybody.mp3] [audio:z – fred mcdowell –  i want jesus to walk with me with.mp3]