Bill Cosby Presents Badfoot Brown & The Bunions Bradford Funeral Marching Band (Uni – 1971)

Vous connaissez Bill Cosby et son fameux show qui marqua, par sa popularité et sa longévité, les réels débuts des séries comiques US produites, réalisées et jouées par des blacks.

Mais saviez-vous que derrière le visage angélique et souriant de ce héros de la culture black se cachait une bête de musique, fou de soul et de funk et prêt à toutes les expérimentations sonores ? Saviez vous également qu’en plus de son travail d’acteur, de producteur, de ses livres, de son doctorat en éducation etd e ses mutliples activités associatives, Cosby trouva le temps de réaliser une discographie d’une quarantaine d’albums, alternant funk, soul et jazz ?

La preuve : cet album de 1971, sorti sur le label Uni. Etrange album et à coup sûr le plus étonnant dans la longue carrière de Bill Cosby. Deux titres. 35 minutes de free jazz mâtiné de blues et d’une pincée de big band.

L’un de ces deux titres, « Martin’s Funeral », surprend par son démarrage tout en lenteur sur un rythme bluesy, puis une montée crescendo, un break de percussions africaines, un passage jazz-funk, une nouvelle série de breaks de batterie et enfin une conclusion de toute beauté à l’orgue.

A écouter dans la Chongastyle’s Radio : Martin’s Funeral (samplé par A Tribe Called Quest sur We Can Get Down)

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Ricardo Tubbs & The Inner Thumb – Soul Ecstasy Soundtrack (1972 – reissued in 1999 by Emperor Norton Records)

Le Mouvement, un groupe d’activitistes liés aux Black Panthers, s’est introduit dans la bonne société new-yorkaise pour offrir les services de jeunes escort girls lascives. Son leader, Brother July, enivré par les sorties régulières en club, une forte consommation de drogues et une bonne part de sexe, commence alors à établir des relations avec une mafia chinoise dans le but d’alimenter la traite d’esclaves dans les bordels Hong-Kongais.

Voici la trame épicée du film « Soul Ecstasy », écrit et réalisé par Fulton James, qui sort dans les salles américaines durant l’été 1972. L’aspect sulfureux de l’intrigue en fait vite un film culte qui déclenche les passions des spectateurs, dont certains iront même jusqu’à mettre le feu au cinéma dans lequel il était diffusé ! Toute exploitation ou diffusion du film sont immédiatement arrêtées et les rares copies existantes disparaissent dans d’étranges conditions.

Seule subsiste aujourd’hui la bande-son, écrite par Ricardo Tubbs et un groupe composé pour l’occasion de plusieurs musiciens de Philadelphie, Chicago et New-York, les Inner Thumbs. Un mélange extraordinaire de funk décadent, de soul lascive, agrémentés d’une touche d’orientalisme sensuel. Comme si Bruce Lee avait rencontré les Black Panthers et qu’ils avaient fumé ensemble une sacrée dose d’herbe…

Si ce disque, réédité par Emperor Norton en 1999, a laissé une empreinte unique, l’histoire raconte que le réalisateur du film, Fulton James, n’en fit pas de même. Il décéda d’asphixie pendant un feu en 1979, à l’âge de 35 ans. Il développa durant les dernières années un fort complexe paranoïaque, confiant à qui voulait l’entendre qu’il était sous surveillance électronique et que son film avait été saboté par des agents du gouvernement…

A écouter dans la Chongastyle’s Radio : Soul Ecstasy (vocal) et Soul Sarod

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Kosmos – Soundtracks Of Eastern Germany’s Adventures In Space (CineSoundZ – 2001)

A l’époque pas si lointaine de la guerre froide, les productions cinématographiques ou télévisés inspirées par la science fiction constituaient un terrain rêvé pour projeter les utopies politiques des deux camps aux confins de voyages galactiques. Ainsi, de même que l’Ouest s’exprimait largement à travers des séries comme Cosmos 1999, le bloc de l’Est disposait de son propre vivier de réalisateurs, prompts à décliner l’idéologie communiste au-delà du système solaire.

Aidé par des scientifiques confiants dans la supériorité de la technologie sur la nature, l’astronaute est assimilé à un héros mythologique qui propage le Bien dans le vide galactique inhospitalier, censé symboliser la froideur du capitalisme de l’Ouest.

Mais au-delà de ces parallèles idéologiques et du côté désuet de la production, c’est bien du caractère incroyablement novateur de la bande-son dont il s’agit ici. Car loin des clichés sur les séries Z (synthé dégoulinants et blips incessants), c’est toute lla fine fleur musicale de l’époque qui s’est attelée à produire des bandes-sons d’une grande richesse : ambiances jazzy, groove funky, folk éthéré,…

Pour preuve de cette richesse, écoutez les deux titres que j’ai sélectionnés : Kosmos et son groove symphonique (avec une mention spéciale pour le clavier ;-)) ainsi que Im Staub Der Sterne / Das Licht (Part 1) et sa beauté intemporelle. A découvrir dans la Chongastyle’s Radio.

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Jo Jo Bennett & The Mudies All Stars – Groovy Joe (Moodisc – 1970)

Harry Mudie avait l’habitude d’ajouter à chacune des liner notes des disques qu’il produisait sur son label Moodisc : « We make music, not noise ». Ce don du groove et de la mélodie, Harry Mudie l’a développé très tôt auprès du percussionniste rasta Count Ossie et du saxophoniste Bogey Gaynair.

Le talent de Mudie consistait à associer d’exceptionnelles mélodies aux rythmes lourds du reggae roots. Il n’hésita pas non plus à exploiter tout l’éventail des instruments disponibles, notamment sur le magnifique Leaving Rome de Jo Jo Bennett, où il fait un usage symphonique des cordes, qui est une préfiguration du Roman Dub que Mudie publiera 6 ans plus tard dans le cadre de la dub conference qui l’opposera à King Tubby.

Aucun producteur de reggae n’avait osé aller aussi loin dans le raffinement musical et la supervision du disque de Jo Jo Bennett en 1970 le propulsa rapidement parmi les meilleurs producteurs de l’époque. Jo Jo connaissait bien Mudie, puisqu’il jouait régulièrement des cuivres dans son groupe de studio : les Mudies All Stars. Ce groupe, relativement méconnu, regroupe tout de même des personnalités comme Tommie McCook au sax tenor, Vin Gordon au trombone et Theophilus Beckford au piano, pour ne citer qu’eux.

A découvrir dans la Chongastyle’s Radio : Leaving Rome et Ten Step To Soul

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Jimmy McGriff – Electric Funk ( Blue Note – 1970)

C’est sorti sur Blue Note, mais ce n’est pas du jazz. Le titre est « Electric Funk », mais ce n’est pas du funk. Afin de brouiller encore un peu plus les pistes, Blue Note a décidé de ressortir cet album culte des 70’s sur sa collection Blue Note Rare Grooves en 1997. Et pour couronner le tout, seuls deux musiciens sur une petite dizaine sont crédités sur la pochette…Quelles sont donc l’histoire et la réelle nature de ce disque si mystérieux ?

L’histoire de cet album est liée à celle de son auteur, Jimmy McGriff. Né en 1936 à Philadelphie, d’une famille impliquée dans la vie musicale et religieuse de leur communauté, il s’initia rapidement à la basse, puis à l’orgue Hammond, qui devint son instrument de prédilection lorsque la plupart des groupes de Philadelphie l’adoptèrent après guerre. Marqué par le blues et le rythm n’ blues, il collabora ensuite avec de nombreux jazzmen, dont le fameux Archie Shepp.

Cette convergence d’influences donnera naissance au style McGriff : le soul-jazz. Ce que beaucoup associent rapidement aux bandes sons des films de blaxploitation des 70’s n’est en réalité que l’expression d’une culture soul de la rue : des beats funky, un orgue virevoltant, des cuivres tout en percussion associés à une ligne de basse puissante. Une musique populaire, au meilleur sens du terme.

Une preuve de plus, si nécessaire, de l’importance du label Blue Note dans l’émergence de cette culture soul américaine. Plus qu’un simple label de jazz, Blue Note a été et reste encore la matrice fondatrice de la musique afro-américaine contemporaine.

A écouter dans la Chongastyle’s Radio : Chris Cross

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